mardi 25 mars 2008

Sénat de Belgique : Résolution relative aux viols et aux violences sexuelles contre les femmes dans l'est de la République démocratique du Congo

SESSION DE 2007-2008
13 MARS 2008

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TEXTE ADOPTÉ EN SÉANCE PLÉNIÈRE

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Vu la Déclaration universelle des droits de l'homme du 10 décembre 1948, la Convention des Nations unies du 18 décembre 1979 sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, la Déclaration des Nations unies du 20 décembre 1993 sur l'élimination de la violence à l'égard des femmes et la Convention du 20 novembre 1989 relative aux droits de l'enfant;

B. Considérant que les droits des femmes et des jeunes filles sont inaliénables et font intégralement et indissolublement partie des droits humains universels, ainsi qu'il est précisé dans la Déclaration de la Conférence mondiale de Vienne de 1993 sur les droits de l'homme;

C. Vu les quatre Conventions de Genève de 1949 et les protocoles additionnels y afférents de 1977, qui prévoient qu'en situation de conflit armé, les femmes doivent bénéficier d'une protection spéciale, en particulier contre le viol, la prostitution forcée et tout attentat à la pudeur;

D. Rappelant la considération générale nº 19 de la Convention des Nations unies de 1979 sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes (CEDEF), qui prie les États parties à la Convention de protéger les femmes contre toute forme de violence fondée sur le sexe et de lutter contre les sévices sexuels, en particulier en temps de guerre et de conflit armé;

E. Vu la Convention relative aux droits de l'enfant de 1989, qui prévoit que les enfants doivent être protégés contre toute forme de violence physique et mentale, y compris les sévices sexuels et l'exploitation sexuelle, et qu'ils doivent bénéficier d'une protection spéciale en temps de guerre;

F. Vu la déclaration et la plate-forme d'action de la quatrième Conférence mondiale des Nations unies, qui s'est tenue à Beijing en septembre 1995, en particulier le point E concernant les femmes et les conflits armés, et vu le document final de Beijing +5 adopté à New York en 2000;

G. Vu les articles 7 et 8 du Statut de Rome créant la Cour pénale internationale, dans lesquels l'utilisation généralisée et systématique du viol, de l'esclavage sexuel, de la prostitution forcée, de la grossesse forcée, de la stérilisation forcée ou de toute autre forme de violence sexuelle de gravité comparable et d'autres actes inhumains de caractère analogue causant intentionnellement de grandes souffrances ou des atteintes graves à l'intégrité physique ou à la santé physique ou mentale est définie comme un crime contre l'humanité et comme un crime de guerre;

H. Vu la résolution 1325 du Conseil de sécurité des Nations unies adoptée en 2000, qui demande à toutes les parties à un conflit armé de prendre des mesures pour protéger les femmes et les petites filles contre les actes de violence sexiste, en particulier le viol et les autres formes de sévices sexuels, ainsi que contre toutes les autres formes de violence dans les situations de conflit armé, qui souligne qu'il est de la responsabilité de tous les États de mettre fin à l'impunité et de poursuivre en justice ceux qui sont accusés de génocide, de crimes contre l'humanité et de crimes de guerre, y compris toutes les formes de violence sexiste et autre contre les femmes et les petites filles, qui insiste sur la nécessité d'exclure si possible ces crimes du bénéfice des mesures d'amnistie et qui demande qu'une attention toute particulière soit accordée à la dimension du genre dans le cadre du processus de paix et de la maîtrise des conflits;

I. Vu l'appel lancé à Bruxelles, le 23 juin 2006, à l'occasion de la conférence internationale « Violences sexuelles dans les conflits et au-delà », organisée par le gouvernement belge, le Fonds des Nations unies pour la population et la Commission européenne, qui plaide pour une tolérance zéro à l'égard des actes de violence sexuelle;

J. Vu la résolution 2005/2215 du Parlement européen sur la situation des femmes dans les conflits armés et leur rôle dans la reconstruction et le processus démocratique dans les pays en situation post-conflit;

K. Vu la résolution 1674 (2006) du Conseil de sécurité des Nations unies relative à la protection des civils dans les conflits armés et la résolution 1756 (2007) du Conseil de sécurité des Nations unies relative à la situation concernant la République démocratique du Congo;

L. Vu la déclaration conjointe « Halte à la violence contre les femmes au Congo » faite par les ministres européens de la Coopération au développement le 24 septembre 2007;

M. Vu la résolution de la Chambre des représentants de Belgique du 8 décembre 2005 relative aux violences sexuelles en République démocratique du Congo;

N. Vu les liens particuliers entre la Belgique et la République démocratique du Congo;

O. Vu la participation de la Belgique au Conseil de sécurité des Nations unies et la présidence du Bureau de la Commission de la Condition de la Femme que la Belgique assurera au cours de la période 2008-2009;

P. Étant donné l'annonce de la désignation d'un facilitateur de haut niveau chargé de favoriser le dialogue entre les parties belligérantes, à la suite de la concertation « P3+2 » de septembre dernier avec les États-Unis, la Grande-Bretagne, la France et l'Afrique du Sud, au cours de laquelle on a tenté de trouver une solution à la crise au Nord-Kivu;

Q. Vu les articles 167, 168, 170 et 171 du Code pénal de la République démocratique du Congo qui concernent la violence sexuelle, et vu la loi sur la violence sexuelle adoptée en juillet 2006;

R. Étant donné que les autorités congolaises ont entamé, le 19 septembre 2007, l'élaboration d'un plan d'action national dans le cadre de la résolution 1325 du Conseil de sécurité des Nations unies;

S. Se référant au rapport sur la RDC remis en septembre 2007 au Conseil de sécurité des Nations unies par le sous-secrétaire général des Nations unies, John Holmes, qui plaide en faveur d'une augmentation de la lutte contre les violences sexuelles, et aux rapports d'Amnesty International relatifs aux violences perpétrées contre les femmes dans les situations de conflit;

T. Considérant que les viols et les violences sexuelles à l'encontre des femmes et des jeunes filles sont délibérément utilisés comme arme de guerre stratégique par les belligérants dans les conflits armés;

U. Vu les événements dramatiques qui ont lieu dans l'est du Congo, où des femmes sont victimes de viols, de violences sexuelles et de mutilations, et ce, à une échelle sans précédent;

V. Considérant le climat d'impunité dû à la guerre qui règne dans l'est du Congo, y compris pour les auteurs de viols, de violences sexuelles et de mutilations;

W. Étant donné que, dans un grand nombre de cas, les victimes de viols, de violences sexuelles ou de mutilations au Congo sont stigmatisées et qu'il est difficile, en temps de guerre, d'évaluer précisément le nombre total de victimes;

X. Vu l'augmentation du nombre de contaminations par le virus du sida, dues à ces violences sexuelles infligées aux femmes;

Y. Considérant que les victimes d'abus sexuels dans des zones de conflit, y compris dans l'est du Congo, bénéficient rarement de la protection, de la prise en charge psychologique, des soins médicaux et de l'aide juridique jugés nécessaires;

Z. Considérant que le mandat actuel de la MONUC est trop limité pour qu'elle puisse intervenir en vue de protéger les femmes et les jeunes filles congolaises contre les viols, les violences sexuelles et les mutilations;

AA. Étant donné que les femmes sont trop peu représentées aux niveaux national et international dans la politique de prévention et de maîtrise des conflits ainsi que dans les négociations de paix officielles, et que l'on ne tient pas suffisamment compte des droits et des intérêts des femmes dans le cadre de la prévention, de la maîtrise et de la résolution de conflits;

BB. Considérant que malgré le nombre effrayant de victimes de tortures sexuelles, la brutalité et la violence inouïes des crimes commis, véritablement sans précédent, et le nombre d'années qui se sont écoulées depuis que ces crimes contre l'humanité ont été commis, aucune protection efficace des populations n'a été véritablement mise en place par les autorités congolaises et la MONUC;

CC. Vu la résolution 1794 (21 décembre 2007) du Conseil de sécurité des Nations unies qui souligne que la protection des civils doit être prioritaire lorsqu'il s'agit de décider de l'usage et des capacités de ressources disponibles et qui rappelle que la MONUC a pour mandat d'utiliser tous les moyens nécessaires pour protéger les civils exposés à la menace imminente de violences physiques;

DD. Se réjouissant des actes d'engagements signés en janvier 2008 à Goma par tous les groupes armés du Kivu en faveur de la paix et déplorant la décision du 22 février du CNDP de Laurent Nkunda de suspendre sa participation aux réunions de suivi du cessez-le-feu;

EE. Se réjouissant de l'arrestation, le 7 février 2008, de Mathieu Ngudjolo Chui, colonel de l'armée du gouvernement de la RDC, qui a été remis à la Cour pénale internationale et est accusé de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité commis contre l'ethnie hema entre janvier et mars 2003, alors qu'il faisait partie du FNI (Front des nationalistes et intégrationnistes), cette arrestation portant à trois seulement le nombre de personnes déférées à la CPI par le gouvernement de la RDC;

Le Sénat,
Bouleversé par les témoignages recueillis lors de la mission de certains de ses membres en janvier et février 2008 dans l'est du Congo, auprès de femmes violées, torturées et maintenant abandonnées et laissées le plus souvent sans assistance;

Persuadé que face à l'ampleur et à la durée du drame que subissent les victimes de violences sexuelles au Congo, les mesures visant à la protection, à la prévention, à la sanction et à l'assistance aux victimes sont très insuffisantes;
Inquiet de l'indifférence du monde face à un drame humain d'une ampleur sans précédent;
Affirmant que la Belgique et l'Europe ne peuvent plus tolérer la persistance et la répétition de ces crimes;

Lance un cri d'alarme aux autorités congolaises, aux groupes belligérants, à la communauté internationale et au gouvernement belge pour que soit enfin mis un terme aux souffrances indescriptibles que subissent les femmes congolaises, les enfants et les hommes congolais victimes de tortures sexuelles en RDC;

Décide d'organiser une table ronde sur le thème des violations sexuelles en temps de guerre en préparation du prochain débat thématique du Conseil de sécurité des Nations unies d'octobre 2008;

Demande au gouvernement fédéral:

1. de poursuivre les efforts fournis actuellement, afin que la problématique congolaise reste inscrite à l'ordre du jour européen et international, et de veiller à ce que soient respectés les accords qui ont été conclus à l'issue de la conférence de paix de Goma du 25 janvier 2008 et ceux conclus dans le cadre des travaux de la Commission conjointe tripartite, ainsi que le Communiqué conjoint de Nairobi signé par les gouvernements congolais et rwandais le 9 novembre 2007 et les accords du Sommet de Ngurdoto, conclus le 8 septembre 2007 entre le Président du Congo et le Président de l'Ouganda;

2. de prononcer une condamnation catégorique des nombreux cas de violences sexuelles et de viols commis dans l'est de la République démocratique du Congo;

3. d'agir au sein du Conseil de sécurité en vue de l'élargissement du mandat de la MONUC concernant le désarmement et la démobilisation des groupes armés illégaux étrangers et congolais qui sévissent dans l'est de la RDC, en soumettant une proposition de modification du mandat de la MONUC établissant comme priorité d'action la neutralisation des groupes armés actifs, en ce compris la possibilité d'intervenir à côté de l'armée congolaise, si nécessaire, dans les régions de l'est de la RDC;

4. d'agir au sein du Conseil de sécurité afin de préciser le mandat de la MONUC concernant la protection des civils:
— en prévoyant, conformément à la résolution 1794 (2007), les mesures que doit prendre la MONUC pour rendre effectif son rôle de protection des civils, notamment à l'égard des violences sexuelles;
— en donnant une interprétation extensive de la capacité d'action de la MONUC pour la population civile « sous la menace imminente de violences physiques »;

5. d'agir au sein du Conseil de sécurité en vue de renforcer les moyens, les procédures et les dispositifs de la MONUC afin qu'elle protège de manière beaucoup plus efficace les populations civiles (forces mobiles d'intervention immédiate, dispositifs d'information et d'alerte, relevé d'éléments de preuves, ...), par une plus grande implication européenne;

6. d'inciter le gouvernement congolais à mettre fin à l'impunité régnant dans le domaine de la violence sexuelle pour faire en sorte que la loi congolaise sur la violence sexuelle soit appliquée, et ce en développant les moyens humains et les ressources financières nécessaires; d'agir auprès du gouvernement congolais pour que celui-ci instaure la protection de l'identité des femmes congolaises violées qui portent plainte, des victimes ainsi que des témoins;

7. en vue de mettre fin à l'impunité, d'œuvrer au sein du Conseil de sécurité afin de conférer à la MONUC une compétence d'appui aux autorités congolaises en matière d'arrestation, de détention et de transfert à la Cour pénale internationale des auteurs de violations graves du droit international humanitaire;

8. d'insister en vue de la création au Congo d'un tribunal spécial pour la répression des viols et des violences sexuelles contre les femmes, tribunal qui doit jouir d'un soutien international dans le domaine technique et financier;

9. d'encourager le gouvernement congolais à ne pas laisser impunis les viols et les violences sexuelles perpétrés par ses propres troupes;

10. de faire appel aux pays voisins du Congo pour qu'ils s'abstiennent d'actions qui pourraient déstabiliser la RDC car ils ont eux aussi un rôle à jouer dans l'installation d'une paix durable dans la région;

11. de veiller, en concertation avec l'UE et la communauté internationale, dans le cadre des Nations unies, à prévoir une capacité d'accueil et des possibilités d'accompagnement suffisantes pour les victimes de viols, de violences sexuelles et de mutilations, ainsi que pour leurs enfants et leurs proches; cet accompagnement ne peut pas se limiter aux soins de santé: il faut également apporter une assistance judiciaire, assurer la réintégration des victimes et contribuer à surmonter les traumatismes. Étant donné qu'en général, les victimes n'exercent plus d'activité économique, il faut également mettre en place des projets de réinsertion économique en faveur des femmes. Dans ce contexte, la coordination des donateurs est indispensable pour harmoniser les efforts des divers acteurs;

12. d'envoyer, à titre temporaire, des médecins spécialisés en urologie, en chirurgie viscérale et en gynécologie dans l'est du Congo. En effet, en plus de l'assistance médicale offerte aux victimes, il est nécessaire de disposer aussi d'urologues, de chirurgiens digestifs et de gynécologues ayant une formation en chirurgie et spécialisés dans les opérations de réparation des fistules génitales. Ces spécialistes devront transmettre leur expertise aux chirurgiens locaux dans les centres de formation attachés aux universités congolaises;

13. d'encourager l'UE à poursuivre ses missions EUSEC RDC et EUPOL RDC, à aborder la problématique des violences sexuelles à l'encontre des femmes dans tous ses contacts avec le gouvernement congolais, qu'ils soient politiques, commerciaux ou relatifs à la collaboration au développement, et à condamner ces violences.
Lorsque la mission EUSEC sera prolongée en juin, il conviendra également d'examiner dans quelle mesure celle-ci doit être précisée et davantage concrétisée, par exemple pour permettre d'apporter une aide à la famille des soldats congolais;

14. de prendre l'initiative, auprès des Présidences slovène et française, afin de mettre en place, lors du prochain Conseil européen, une mission d'investigation sur les exactions de violences dont sont victimes les femmes dans l'est de la RDC (à l'instar de la mission envoyée en Bosnie sous la Présidence européenne de 1993);

15. de poursuivre et d'intensifier son soutien au projet d'aide aux victimes de viols en RDC et au projet REJUSCO de restauration de la justice congolaise;

16. d'aider le Congo, en concertation avec la communauté internationale, à réunir et à mettre en lieu sûr tous les éléments de preuves nécessaires, afin que la justice puisse les traiter de manière adéquate;

17. d'être attentif au rôle joué par les femmes dans sa propre politique de prévention et de maîtrise des conflits, et d'incorporer une dimension de genre dans cette politique;

18. de convaincre également d'autres pays, dans le cadre des Nations unies, de la nécessité d'attribuer un plus grand rôle aux femmes et d'intégrer une dimension de genre tant dans les négociations de paix officielles que dans la prévention et la maîtrise des conflits;

19. de chercher des appuis pour la création d'une agence internationale des femmes, qui pourrait notamment se charger de collecter des données et des connaissances en matière de viols, de violences sexuelles et de mutilations commis en période de conflit, de recueillir d'éventuelles suggestions visant à éviter de telles situations et de chercher également des appuis pour la création d'un fonds d'indemnisation en faveur des victimes de violences sexuelles.

Au secours des victimes de viols de guerre en RDC

La juriste Viviane Kitete assiste les femmes ayant subi des agressions sexuelles

Viviane Kitete dénonce depuis 2002, au sein d’un collectif d’associations, l’usage des agressions sexuelles comme arme de guerre dans son Nord-Kivu natal. Cette dynamique juriste regrette de ne pouvoir défendre les nombreuses victimes en raison du manque d’argent et d’un système judiciaire inefficace. Interview.

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mardi 25 mars 2008, par Habibou Bangré

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Viviane Kitete a créé en 2001 un Centre de rééducation pour l’enfance délinquante et défavorisée (CREDD). Il y avait déjà beaucoup à faire mais l’association basée à Beni, un territoire de la province du Nord-Kivu (Est de la République Démocratique du Congo), s’est rapidement retrouvée submergée par l’arrivée de femmes victimes de diverses violences sexuelles commises pendant la guerre. Des violences souvent d’une extrême cruauté : « Certaines femmes ont eu un fusil, un couteau, un bout de bois pointu, du verre ou des clous rouillés, des pierres, du sable ou des piments enfoncés dans le vagin, ce qui a provoqué de graves blessures physiques et des souffrances », explique Amnesty International, qui soutient Viviane Kitete dans son combat depuis 2003. Pour assister au mieux les survivantes, le CREDD et une vingtaine d’autres associations de la région se sont réunis en 2002 au sein du collectif Commission de lutte contre les violences faites aux femmes. Seulement, la dynamique Viviane Kitete regrette de voir son champ d’action réduit à cause du manque de financement et d’un système judiciaire qu’elle juge inefficace.

Afrik.com : Quel est le profil des victimes que vous recevez ?

Viviane Kitete : Il y a une très grande majorité de femmes parce qu’en temps de guerre les hommes fuient, car ils sont ciblés par les exterminations, alors que les femmes restent sur place pour assurer la subsistance de la famille. Nous recevons aussi quelques hommes victimes de violences sexuelles. Souvent ils ont été agressés par voie anale ou violés par des femmes rebelles restées trop longtemps dans les montagnes sans avoir connu d’homme.

Afrik.com : Recevez-vous beaucoup de femmes atteintes par le VIH/sida ?

Viviane Kitete : Nous avons beaucoup de cas, oui. Le Fonds des Nations Unies pour la population (Fnuap) nous fournit des kits de prise en charge pour les femmes violées qui comporte des ARV (antirétroviraux, ndlr) à prendre au maximum 72h après le viol, une pilule du lendemain contre la grossesse non désirée, un vaccin contre hépatite B, un autre contre le tétanos et des antibiotiques contre les IST et les MST (infections sexuellement transmissibles et maladies sexuellement transmissibles, ndlr). Mais les femmes violées qui sont à 100 km, combien de temps de marche devront-elles faire pour bénéficier de ce soin ? Le temps qu’elles arrivent, il sera trop tard si elles ont été exposées au VIH ou si elles sont tombées enceintes. Autre problème, le Fnuap n’a pas une approche réaliste du terrain : il nous arrive d’être en rupture de stock et nous ne pouvons donc plus assurer la prise en charge. Par ailleurs, les centres de santé qui pourraient s’occuper des victimes ne sont pas facilement accessibles et le problème de la prise en charge reste donc entier.

Afrik.com : Quelles séquelles psychologiques reviennent fréquemment chez les victimes ?

Viviane Kitete : Les femmes sont traumatisées, stressées et font régulièrement des cauchemars. Elles ont aussi peur à tout moment et ressentent de la honte : surtout dans le milieu rural, une jeune femme qui a été violée par un homme et parfois un groupe d’hommes n’a plus d’espoir de se marier. Plus généralement, les femmes ont l’impression d’avoir perdu leur dignité et pensent que tout le monde sait et parle de ce qui leur est arrivé. Quant aux hommes, ils se sentent diminués. Un homme pris de force par voie anale se sent réduit par rapport à la femme, qu’il ne considère pas comme son égal.

Afrik.com : La justice est-elle efficace pour aider les victimes ?

Viviane Kitete : Pas du tout ! L’appareil judiciaire du pays souffre d’un manque de moyens logistiques, matériels et humains, surtout dans les milieux ruraux. Dans les parquets, il n’y a pas de formulaires préétablis et les magistrats se débrouillent comme ils peuvent pour obtenir des mandats. Les femmes sont par ailleurs sous-représentées dans l’appareil judiciaire et les magistrats et les juges souffrent des interférences politique et militaire. Ce qui fait que, quand une plainte pour viol arrive, son traitement est extrêmement lent et les preuves s’évanouissent dans la nature. Il faut aussi noter que quand on auditionne la victime, on lui demande de l’argent. Lorsque le magistrat verbalise les dires de la plaignante, là encore, on lui demande de l’argent. Pour que l’avocat envoie une convocation à l’agresseur, c’est encore de l’argent qu’il faut sortir. Il y a encore bien d’autres exemples mais au final on peut conclure que tous les frais de justice retombent sur la victime, qui se décourage.

Afrik.com : Avez-vous le pouvoir de soulager ces dépenses ?

Viviane Kitete : Avant, on les prenait en charge. Mais quand on n’a pas d’argent et pas d’appui, comment faire ? Quand il s’agit de trois ou quatre personnes ça va, mais des centaines ou un millier de gens…

Afrik.com : Vous est-il arrivé de remporter certaines affaires ?

Viviane Kitete : Le Haut-Commissariat aux droits de l’homme des Nations unies (HCDH) nous a fourni en 2005 un appui qui nous a permis de couvrir les frais de victimes. Cela nous a permis de plaider dans douze affaires, que nous avons toutes gagnées.

Afrik.com : Participez-vous à la réinsertion socio-économique des victimes ?

Viviane Kitete : Nous n’avons malheureusement pas d’appui. Il faudrait un microcrédit rotatif pour que les femmes apprennent la thérapie par l’occupation. C’est-à-dire qu’elles apprennent la coupe et couture, par exemple, pour pouvoir gagner de l’argent mais aussi se concentrer sur autre chose que le drame qu’elles ont vécu.

Afrik.com : Votre combat vous pose-t-il des problèmes ?

Viviane Kitete : J’ai de sérieux problèmes. De nombreux journaux de Beni disent n’importe quoi sur moi. Ils me dénigrent et me diffament parce qu’ils trouvent que je suis une « révolteuse » de femmes. Ils veulent me sanctionner parce que j’ai fait condamner des hommes. Je reçois aussi des menaces lorsque j’assiste les victimes devant la justice.

Les groupes parisiens d'Amnesty International France et l'ACAT-France vous convient à une Conférence débat
Mercredi 26 mars 2008 à 20h
Mairie du 3° arrondissement, 2 rue Eugène Spuller 75003 Paris
M° République ou Filles du Calvaire. Entrée libre

Les violences faites aux femmes dans les conflits armés

Avec la participation de Viviane Kitete, défenseure judiciaire en République Démocratique du Congo et Lucie Nizigama, magistrate burundaise, toutes deux engagées dans la défense des femmes et fillettes

Intervention précédée du documentaire Crimes oubliés, violences sexuelles dans les conflits armés de Françoise

Isiro : 49 viols en 1 mois, la plupart sur des enfants de moins de 10 ans

Province Orientale | 25 Mars 2008 à 09:23:40
Ces viols ont été enregistrés pour le seul mois de février par le centre d'intervention psychosocial à Isiro. Selon le professeur Kalala, responsable de cette ONG, la plupart des victimes sont des enfants de moins de 10 ans.
La même source affirme que leurs bourreaux se comptent parmi les creuseurs de matières précieuses et les personnes vivant avec le VIH / Sida. Si les creuseurs pensent naïvement qu'en ayant des relations sexuelles avec des enfants mineurs ils auront plus de chance de découvrir des matières précieuses, les personnes infectées, pour leur part, espèrent trouver facilement la guérison, rapportent radiookapi.net

Lubumbashi : lutte contre les violences sexuelles, la procédure militaire défavorise les victimes

Katanga | 25 Mars 2008 à 10:21:13
Les organisations non gouvernementales de Droit de l’Homme et autres partenaires impliqués dans la vulgarisation des lois en la matière dans cette provine exigent que soient levées les entraves à la justice dans la procédure militaire. Ces associations estiment que cette procédure favorise l’impunité des auteurs, surtout quand il s’agit des militaires. Ce constat a été énoncé lundi, au cours de la table ronde tenue dans cette province, rapporte radiookapi.net
Un des participants à cette table ronde affirme que la procédure qui est suivie par la justice militaire oblige la victime à déposer la plainte à l’auditorat avant que le tribunal ne soit saisi : « et dans ce ces, c’et seul l’auditorat qui peut saisir une juridiction militaire pour traduire l’auteur de l’infraction en justice et généralement lorsque le magistrat peut systématiquement protéger un auteur militaire ou policier des violences sexuelles, ça empêche la victime ou la famille de la victime à avoir accès à la justice. Raison pour laquelle nous avons proposé que dans les codes des procédures judiciaires militaires qu’il soit prévu également le système de traduction directe pour permettre aux victimes de s’adresser directement aux juges du tribunal ».

Ce participant ajoute aussi que la juridiction militaire est confronté au problème des grades des responsables des violences sexuelles, dans le cas où l’auteur serait un lieutenant ou un capitaine, le chef de la juridiction ne pourra pas le poursuivre parce qu’il a un grade inférieur à l’auteur de l’infraction.

Elections: Beaucoup de défis à relever par les femmes congolaises

Adele Lukoki / MONUC 25 mar. 08 - 17h54
Des femmes représentant des partis politiques, des Organisations non gouvernementales et autres structures de promotion des droits des femmes se sont retrouvées le 24 mars 2008, au siège administratif de la MONUC, pour une journée de réflexion sur leur participation aux élections. Initiée par la Division électorale et la Section Genre de la MONUC, cette journée d’échanges et d’informations avait justement pour but d’encourager les femmes à mieux préparer leur participation aux prochaines élections locales, en particulier, et d’une manière générale à toutes les échéances futures.

La Division Electorale de la MONUC, représentée à cette occasion par Dominique Adjahouinou, s’est dite heureuse de contribuer à la nouvelle éclosion de conscience et de volonté, permettant à la femme congolaise de retrouver sa place à côté de l’homme dans un pays de justice et de paix.

M. Adjahouinou a surtout exhorté les femmes à continuer à se battre pour faire renverser la tendance lors de ces élections locales. Ainsi, il a appelé les Congolaises à se réveiller et à se mettre au travail, et surtout à mieux se préparer politiquement pour faire face au combat politique et réussir le pari électoral, en mieux se positionnant sur les listes des candidatures. La MONUC est là, a-t-il assuré, pour accompagner tous les efforts des femmes déterminées à émerger dans la sphère politique.

Cet appel a été réitéré à cette occasion par l’abbé Apollinaire Malu Malu, président de la Commission Electorale Indépendante (CEI), lequel est revenu sur les élections précédentes au cours desquelles, les femmes ont été confrontées à de nombreuses difficultés liées à leurs candidatures; ce qui ne leur a pas permis de gagner significativement les élections, tel que le démontrent les statistiques.

Ainsi, lors du premier tour des élections présidentielles en 2006, la participation de la femme était de 12,1% soit 4 femmes sur les 33 candidats. Au second tour, aucune femme n’a été présente. Aux élections législatives nationales, 1.320 femmes faisaient partie des 9.509 candidats; soit 13,6%. Résultat, a déploré le président de la CEI, seulement 42 femmes soit 8,4% ont été élues comme députés sur les 500 représentants du peuple.

Lors des élections provinciales, si 1.531 femmes se sont présentées sur les 13.474 candidats, soit 11,4% de femmes, seules 43 sur les 632 députés provinciaux, ont eu raison de ce scrutin.

Les élections sénatoriales, à leur tour, n’ont pas souri aux femmes. Dans la mesure où sur les 11.127 candidats, il y a eu 104 femmes, soit 9,2% ; et seulement, 5 d’entre elles siégent effectivement au niveau de cette chambre haute du parlement sur les 108 sénateurs élus. Aux élections des gouverneurs, aucune candidate n’a remporté la course. Pourtant, 13 femmes avaient quand même postulé: 2 au poste de gouverneur et 11 en qualité de vice gouverneur.

Multiplier les efforts

Ce tableau sombre montre à quel point les femmes, d’une part, et le gouvernement et le parlement d’autre part ont encore beaucoup de défis à relever pour que la notion de parité soit garantie dans un Congo de demain réellement démocratique. Pour cela, les responsabilités incombent à tous, aux décideurs politiques mais aussi à l’ensemble des citoyens congolais.

Le système électoral doit ainsi être favorable à la participation de la femme. Ce qui par exemple au niveau du parlement, exigera la révision générale du fichier électoral ainsi que l’amendement de la loi électorale en vue d’inclure la notion du genre. Les partis politiques quant à eux, sont appelés à reconnaître la représentation de la femme au sein de leurs structures.

Au nombre des difficultés rencontrées par les femmes, figurent aussi en bonne place, l’absence des moyens financiers pour les campagnes, l’analphabétisme de l’électorat congolais, surtout féminin, et la faible mobilisation des femmes sur les questions électorales. De même, une éducation permanente s’impose pour changer les mentalités en faveur du leadership féminin.

Au regard de tout cela, l’Abbé Malu Malu a rappelé aux femmes de se soutenir entre elles pour mieux mener le combat et surtout de ne pas oublier que «les élections se préparent pendant longtemps et ne se tiennent qu’en quelques heures»!

Le Grand Témoin - L'émission du 21 Mars 2008
Alangi Ebe Jeanne : la femme congolaise doit se battre pour faire valoir ses compétence


Alangi Ebe Jeanne est substitut du procureur général du parquet général de la Gombe à Kinshasa.

Dans son entretien avec Kelly Nkute, Alangi Jeanne qui est aussi membre du conseil d’administration du service central Education à la vie, parle de la justice congolaise et dénonce les maux qui rongent la jeunesse congolaise en ce qui concerne son éducation.

Ecouter (Durée: 30 min.)

lundi 24 mars 2008

Mbandaka: La MONUC fête les femmes policières congolaises

Jean-Tobie Okala / MONUC 24 mar. 08 - 16h45

Tout y était, ou presque: défilé, table ronde et réflexions sur le statut de la femme policière congolaise, réjouissances diverses… : la police civile de la MONUC Equateur a tenu, à sa manière à célébrer la femme, dans le cadre du Mois de la Femme.

Du 21 au 22 mars dernier, la Police civile de la MONUC/Equateur (CivPol) a organisé une série d’activités à l’intention des femmes policières congolaises. Tout avait commencé au Centre Isidore Bankadja par un atelier de réflexion sur la condition de la femme au sein de la Police nationale congolaise (PNC). Ainsi, près d’une centaine de policières, tous grades confondus, s’étaient réunies sous l’encadrement de la CivPol, pour un examen sans complaisance de leur situation au sein de la PNC; brisant les tabous et la loi du silence, ces femmes policières ont fait le constat de conditions de travail à la fois dégradantes et humiliantes.

Les policières dénoncent, pêle-mêle: la soumission à des exercices et travaux durs et forcés, même pendant la période de grossesse ou de menstruations, ce qui provoque des avortements et accouchements prématurés; la transmission délibérée des infections sexuellement transmissions par les chefs hiérarchiques à qui la femme policière s’attache comme secrétaires ou hôtesses, du fait de «l’obéissance aveugle au chef»; discriminations de toutes sortes, avec une loi d’airain qui limite la femme policière la plus gradée au rang de capitaine; des dotations qui ne concerneraient que les officiers masculins; harcèlement et esclavage sexuels, qui se traduisent par exemple des danses et chants obscènes pendant la période de formation…

Au centre de formation même, les policières dénoncent l’accueil qui n’est pas toujours ce à quoi elles auraient pu s’attendre, puisque leur quotidien est synonyme de brimades et d’humiliations; une policière a ainsi déclaré: «le jargon de notre centre d’instruction nous appris que nous étions là pour l’utilisation: mais quelle utilisation? A chacun de deviner la réponse», conclut-elle, le visage grave et la voix pleine de tremblante.

Bref, les femmes policières de l’Equateur ont profité de cet atelier de réflexion pour dire haut et fort leur indignation et leurs frustrations, face à des chefs et collègues masculins qui profitent de leurs rangs et position pour obtenir des faveurs sexuelles en échange de menues promotions.

Dès lors, pas étonnant dans ces conditions qu’à l’Equateur, par exemple, il n’y ait aucun commandant féminin de grande unité; ou qu’il y ait zéro officier supérieur féminin parmi les 316 policières que compte l’Inspection provinciale de la Police de la province.

Que faire donc pour rendre à la femme policière sa dignité? Les recommandations de cet atelier n’ont pas manqué; c’est au cours d’un défilé haut en couleurs sur le parvis de la Mairie de Mbandaka que les policières ont remis solennellement au Gouverneur de Province leur mémorandum. Où l’on retrouve, entre autres: le respect de la parité lors du recrutement, de la formation (recyclage, renforcement des capacités, stage,...) en cours de service, de la composition des commissions d’avancement en grades, de la mise en place et de l’accès au poste de commandement à tous les niveaux; la nécessité que les officiers de Police judiciaire soient formés en matière de lutte et répression de violences sexuelles faites à la femme; la nécessité de donner un salaire conséquent et d’accorder les avantages sociaux à la femme policière au même titre que son collègue masculin.

Les femmes policières demandent aussi à suivre des formations accélérées en vue de rehausser leur niveau; mais surtout, elles insistent pour qu’il soit mis fin à l’impunité pour dissuader les auteurs des violences sexuelles. Enfin, les policières exigent qu’elles soient prises en charge sur le plan médical au même titre que leurs collègues masculins, ainsi que la construction des installations sanitaires séparées hommes-femmes.

Pour terminer, le Chef de Bureau de la MONUC/Equateur Guirane Ndiaye, tout en saluant la bravoure de ces femmes policières, a invité les autorités provinciales «à prendre très au sérieux ces recommandations»; car a-t-il dit, les Nations Unies préfèrent l’action aux discours. Quant au Gouverneur de Province José makila, il a demandé aux femmes policières de «faire leur travail sans complexe» et d’occuper toute leur place tant dans la société que dans la PNC.