Source: Refugees International (RI)
Date: 20 May 2008
La communauté internationale doit aller au-delà du fait de répondre aux besoins basiques immédiats et développer une stratégie pour traiter de façon complète les dynamiques de l’actuelle crise des déplacements dans l’est de la République Démocratique du Congo (RDC). Malgré une situation sécuritaire précaire, les personnes déplacées internes dans le Nord Kivu et les communautés qui accueillent les trois quarts du total de la population déplacée, essaient d’avancer dans leurs vies et le font avec ou sans le soutien de la communauté internationale. En plus de les aider à subvenir à leurs besoins de base, les personnes déplacées et les communautés d’accueil ont besoin d’avoir accès à des programmes pour développer des moyens de subsistance durables et l’accès à l’éducation pour leurs enfants, étant donné le prolongement de la crise de déplacement. En travaillant avec les acteurs locaux et en fournissant de l’assistance au-delà des services basiques, les donateurs internationaux et les agences d’aide vont améliorer la protection des civils dans le Nord Kivu et empêcher la détérioration de la situation humanitaire.
La Conférence sur la paix, la stabilité et le développement dans le Kivu de janvier 2008 a contribué à certaines améliorations pour les organisations humanitaires travaillant au Nord Kivu en ce qui concerne l’accès et la sécurité. Cependant, au moins 60,000 personnes ont été nouvellement déplacées à cause des violations de cessez-le-feu par différents groupes armés. Les attaques ciblées par tous les groupes armés contre les civils, principalement les femmes, les enfants, comprennent le viol, le pillage des biens, les massacres, et le travail et le recrutement forcés. Il y a également une inquiétude grandissante concernant des potentiels nouveaux déplacements en raison des redéploiements des Forces Armées de la République Démocratique du Congo qui cherchent à couper les réseaux de ravitaillement des Forces Démocratiques de Libération du Rwanda.
La mission de maintien de la paix de l’ONU en RDC (MONUC) a joué un rôle important dans la protection des civils. La MONUC aura besoin du soutien continu des gouvernements donateurs pour être capable de répondre stratégiquement aux menaces à la sécurité des plus vulnérables.
La majorité des personnes déplacées dans le Nord Kivu le resteront pour une longue durée. Il est temps pour la communauté internationale de rompre la routine de l’actuelle réponse humanitaire et d’offrir une assistance qui va non seulement renfoncer les capacités locales, mais aussi, mettre en place les conditions pour un retour et une réconciliation durables.
Soutenir les communautés d’accueil qui assistent les personnes déplacées
Les communautés d’accueil du Nord Kivu qui aident actuellement presque les trois quart de la population déplacée, ont besoin de soutien. Les familles d’accueil ouvrent leurs portes et partagent leurs nourritures et leurs ressources avec des gens qui ont été forcés de fuir leurs maisons en raison de la violence perpétrée par différents groupes armés. L’insécurité persistante et les violations des droits humains empêchent les gens de retourner chez eux et ils sont obligés de rester déplacés pour une durée plus longue au sein des communautés d’accueil. Les familles d’accueil, en particulier celles dont les femmes sont cheffes, devraient être aidées dans leurs efforts dans la mesure où elles deviennent aussi vulnérables que les personnes déplacées elles-mêmes.
Après plusieurs mois, des tensions naissent entre les familles d’accueil et les personnes déplacées du fait de la diminution des ressources partagées. Par conséquent, les personnes déplacées sont obligées de quitter les communautés d’accueil. Une alternative est de se rendre dans un camp préétabli, mais bien plus souvent, les personnes déplacées finissent par aller vivre dans des bâtiments publics, ou construisent des huttes sur des sites spontanés proches de zones très militarisées où ils sont plus vulnérables et où leur protection n’est pas garantie. En restant avec les familles d’accueil, les personnes déplacées parviennent à maintenir leur dignité et de rester en sécurité. Dans les sites spontanés, les femmes et les jeunes filles sont plus exposées aux violences sexuelles et aux violences basées sur le genre. Bien que les acteurs humanitaires reconnaissent l’érosion de la capacité d’assistance des communautés d’accueil aux personnes déplacées, il n’y a toujours aucune stratégie globale ayant pour but de les renfoncer dans leurs efforts.
Renforcer la protection des enfants à travers l’éducation d’urgence
Assurer le droit à l’éducation est central dans la protection des enfants actuellement déplacés dans le Nord Kivu. L’accès à l’éducation gratuite en RDC est difficile pour tous les enfants, mais l’est encore plus pour ceux vivant dans les zones affectées par le conflit de l’est du pays. Alors que la situation dans le Nord Kivu reste précaire, les enfants déplacés sont particulièrement vulnérables aux recrutements, au travail forcé et à d’autres abus. Les écoles constituent un environnement sûr et protégé durant les situations d’urgence. Etre à l’école signifie que les enfants ne sont pas oisifs et cela limite leurs expositions à des risques dangereux. L’éducation conduit aussi les enfants dans une dynamique où ils seront capables de contribuer à la reconstruction de leur propre communauté dans le futur.
L’éducation est supposée être gratuite pour tous les enfants, mais les frais de scolarité sont souvent requis par les enseignants qui ne sont pas payés par l’Etat. Les frais de scolarité sont un des défis principaux que rencontrent les enfants déplacés pour avoir accès à l’éducation, dans la mesure où leurs parents n’ont souvent pas les moyens de payer ces frais. Les enfants déplacés et les jeunes adolescents qui sont oisifs, entreprennent des activités telles que boire ou voler, ce qui les mettent en danger. C’est ainsi que nombreux sont ceux d’entre eux qui sont devenus des enfants des rues.
Bien que des réponses aient été mises en œuvre par des donateurs ou des agences humanitaires pour combler le manque d’accès à l’éducation, incluant la restauration des écoles et la distribution de kits d’écoles dans les communautés d’accueil, cette assistance n’a pas été systématique. Le Fond des Nations Unies pour l’Enfance, en collaboration avec les autorités locales et ses partenaires, travaille pour renforcer les écoles des communautés d’accueil. Les enfants et les jeunes adolescents qui ont manqué l’école pendant des années, sont ciblés par le biais de centres de rattrapage. Cependant, le manque de financement adéquat [dans le Plan d’Action Humanitaire 2007, le secteur de l’éducation a reçu seulement 10% du montant requis], la capacité et le soutien limités aux acteurs locaux et le besoin d’une approche plus flexible et à base communautaire des organisations internationales, restent certains des obstacles majeurs pour le droit d’un enfant déplacé d’avoir accès à l’éducation.
Une réponse stratégique par le biais de solutions locales
Il est temps pour les agences d’aide internationale de commencer à impliquer un peu plus les organisations et les communautés congolaises dans la réponse humanitaire au Nord Kivu. Le Plan d’Action Humanitaire 2008 a désigné le Nord Kivu comme zone prioritaire en termes d’assistance aux personnes déplacées et aux communautés d’accueil. Cependant, cet engagement ne s’est pas encore traduit en une réponse stratégique et systématique à la crise des déplacements internes et aux besoins des communautés d’accueil qui assistent la majorité des personnes déplacées internes au Congo. Les organisations internationales doivent s’allier aux organisations locales et les inclure dans leurs projets. Cela améliorera non seulement la réponse humanitaire, mais constituera une étape préliminaire pour des développements futurs et la stabilisation de la région.
Les acteurs locaux ont un meilleur accès aux zones rurales les plus reculées où de nombreuses personnes déplacées ont trouvé refuge, et ont une meilleure connaissance de la manière dont on pourrait soutenir les communautés d’accueil qui viennent en aide aux personnes déplacées. Malgré la précieuse connaissance du milieu local qu’elles apportent, il reste difficile pour les organisations locales d’avoir accès à des financements et elles ne font pas partie des réunions des clusters ou d’autres plans stratégiques pour la réponse humanitaire.
La communauté internationale reste uniquement tournée vers la routine qui veut que les besoins basiques soient couverts, tandis que les acteurs locaux, les personnes déplacées et les communautés d’accueil demandent également que la réponse humanitaire inclut des activités qui vont tenir compte des capacités et des ressources déjà existantes. Une approche par le bas, plus flexible, plus créative, plus dynamique est nécessaire dans le but de traiter stratégiquement les dynamiques actuelles de la crise du déplacement dans le Nord Kivu.
Recommandations:
Les organisations internationales par le biais du leadership du Bureau de la Coordination des Affaires Humanitaires des Nations Unies, développent et mettent en œuvre des projets d’assistance à base communautaire pour soutenir les personnes déplacées et les familles d’accueil avec une attention particulière aux femmes dans le Nord Kivu.
Les Etats-Unis et d’autres gouvernements donateurs financent dans les plus brefs délais les projets d’éducation en situation d’urgence dans le Nord Kivu, tandis que les agences basées sur place développent des projets qui ciblent autant d’enfants que possible par le biais d’une approche communautaire.
Les agences des Nations Unies et les organisations internationales non-gouvernementales travaillant en RDC impliquent des acteurs locaux dans leurs stratégies de réponse humanitaire ; les donateurs devraient financer des projets pour renforcer les organisations locales et les organisations internationales devraient collaborer avec ces organisations locales dans des programmes au niveau communautaire qui répondent aux besoins immédiats et de moyen terme.
Mpako Foaleng et Camilla Olson, Advocates, ont évalué la situation humanitaire dans le Nord Kivu en avril 2008.
Contacts: Mpako Foaleng
mercredi 21 mai 2008
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