Soignées en ville, des milliers de femmes des campagnes du Sud-Kivu violées ou violentées ne peuvent plus retourner dans leurs villages, à cause du regard des gens. Contraintes de devenir citadines, elles ont du mal à s’adapter malgré l’assistance des Ongs…
K.A. garde encore vivaces les souvenirs atroces des viols qu’elle a subis dans son village du territoire de Shabunda, à 345 km à l’ouest de Bukavu à l'Est de la RD Congo. "Mes bourreaux ont abusé de moi après avoir tabassé mon mari, raconte-t-elle. Ils l’ont obligé à assister à la scène horrible devant nos enfants. Après, mon mari m’a abandonnée avec les enfants…" Aujourd’hui, après des traitements suivis au centre hospitalier de Panzi qui soigne la plupart des femmes violées de l’est du pays, elle tente comme des milliers d’autres femmes qui ont connu le même sort, de se refaire une nouvelle vie en ville. Mais pour elles, c’est une bataille qui est loin d’être gagnée. "Je n’arrive pas à m’habituer aux exigences de la vie urbaine : payer la nourriture, l’eau, le loyer…", se plaint K.A.
Ces femmes victimes des viols et violences sexuelles qui arrivent des milieux ruraux vers la ville, sont généralement prises en charge pour leurs soins, par des associations et centres d’accueil. Mais, une fois traitées, elles ne peuvent souvent pas retourner chez elles à cause des regards que les gens portent sur elles. "Dans mon village où sont malheureusement restés mes champs, c’est difficile de croiser les regards, de relever la tête …", regrette l’une d’elles, soignée de fistule.
Statistiques effrayantes
Contraintes finalement de vivre en ville, ces femmes reçoivent de l’aide de différentes organisations pour qu’elles se réinsèrent petit à petit au sein de la société. Mais cela ne se passe pas sans mal. "Avant, nous avions l’appui du PAM (Programme alimentaire mondial) et nous donnions des vivres aux victimes des violences sexuelles, se rappelle Herman Mukwege, animateur principal de la Maison Dorcas qui encadre ces personnes à l’hôpital de Panzi. Maintenant nous leur donnons des micro crédits, mais elles ont de la peine à se prendre en charge, car nombre d’entre elles ont été habituées à la gratuité".
Selon Mapendo Matabaro, éducatrice à la Maison Dorcas, 80% des femmes violées reçues dans cette structure ne savent ni lire ni écrire. "Cet analphabétisme contribue à la mauvaise gestion de petites activités qu’elles entreprennent. Elles échouent le plus souvent dans le petit commerce", explique-t-elle
Chef de division du Genre, femme et enfant, Marie José Kambaji estime à plus de 44 000 le nombre de femmes qui ont été violées par des hommes en armes dans la seule province du Sud-Kivu, entre 2004 et 2007. Pour la seule année 2008, plus de 10 000 cas commis toujours par des hommes en armes ont été rapportés. "C’est sur ces milliers de femmes que repose pourtant la survie de beaucoup de ménages tant en ville que dans la campagne", regrette la Chef de division.
Pas de souci pour celles qui s’en sortent
Quelques rares victimes réussissent à se tirer d’affaires malgré tout. Après avoir été prise en charge durant six mois au centre Dorcas, M.J. a retrouvé le sourire et le goût de vivre comme par le passé. "Depuis que je me suis rétablie, je fais des navettes au Rwanda voisin où j’achète des petits trucs que je revends à crédit à mes voisines. J’avais commencé avec 20 $, maintenant j’ai un capital de près de 200 $, se réjouit-elle. Je sais payer mon loyer et nourrir assez bien mes quatre enfants".
Sa copine venue de Walungu (ouest de Bukavu) exerce la même activité et s’accommode aussi bien de sa nouvelle vie. "Je ne me fais plus de souci même si mon mari m’a répudiée. Je noue sans beaucoup de peine les deux bouts du mois et je n’ai plus de compte à rendre à qui que ce soit", raconte-t-elle fièrement.
Bukavu, 14/03/2009 (Syfia Grands Lacs
lundi 16 mars 2009
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