mercredi 22 avril 2009

Goma : de nombreux militaires condamnés pour violences sexuelles

Source: Le Potentiel - Date: 15 Apr 2009


Chaque semaine, des audiences publiques organisées par les juridictions civiles et militaires de Goma condamnent des responsables de violences sexuelles. Les victimes, aidées par des cliniques juridiques, sont de plus en plus nombreuses à porter plainte.

Les trois dernières semaines de mars ont été animées dans la cour du quartier général de la 8ème Région militaire à Goma, au Nord-Kivu. Le matin, sous la longue et lourde tente verte, hommes et femmes s'entassent sur les dizaines des bancs en planches. Dans l'assistance, derrière les accusés, des militaires, des avocats, mais aussi de nombreux civils venus assister au déroulement des procès. Parmi eux, des curieux, des défenseurs des droits de l'homme et des proches des jeunes filles et des femmes victimes de viols et autres violences sexuelles. C'est ici, en effet, que sont jugés les auteurs militaires de ces crimes, qui ne bénéficient plus de l'impunité de naguère.

Car un phénomène nouveau est apparu en 2007 : des cliniques juridiques aident et accompagnent les familles de victimes dans leur demande de réparation adressée aux juridictions civiles et militaires. «Chaque mois, nous enregistrons une trentaine de cas de viols et nous orientons les victimes vers la Justice», explique Eugène Buzake, avocat et coordonnateur de la Synergie pour l'assistance juridique (SAJ) aux victimes des violences sexuelles. L'assistance juridique donne confiance

Il y a quelques années, ces faits échappaient pour la plupart à la Justice. Les victimes, dépourvues de moyens et inquiètes des représailles, gardaient le silence. «Ma cousine de 12 ans a été violée en décembre 2006, témoigne Nestor Mianitse, déplacé venu du territoire de Masisi, à 81 km au sud-ouest de Goma. Bien que connaissant les coupables, la famille ne pouvait pas porter plainte, car elle était régulièrement menacée». «Les gens avaient énormément peur de venir dénoncer les coupables. Le plus souvent, la victime était poursuivie par son bourreau et les plus tenaces devaient faire face à d'énormes frais de justice difficilement supportables», explique le Coordonnateur des projets de la SAJ. Mais aujourd'hui, la volonté d'ester en justice se fait sentir dans la population. L'assistance offerte par les cliniques juridiques permet aux victimes de mieux connaître leurs droits et de ne pas craindre les représailles. Créés, pour les plus récents, il a plus d'un an, ces organismes, financés par des Ongs, prennent en charge tout le processus judiciaire. La victime et sa famille bénéficient gratuitement d'une assistance juridique qui couvre tous les frais de justice.

Avant, pendant et après le procès, la sécurité de la victime est garantie et assurée à tout instant pour la mettre à l'abri de représailles et son transport de son village jusqu'au siège de la juridiction saisie pris en charge.

Autant d'avantages qui encouragent aujourd'hui à porter plainte devant les juridictions. Grâce à l'efficacité de leurs actions, les quelques cliniques juridiques opérationnelles ont tissé des liens de collaboration avec la Justice. «Même quand la victime n'est pas passée par notre filière, l'Auditorat militaire ou le Parquet font désormais appel pour l'assister», explique E. Buzake. «Ce sont les avocats de SAJ qui m'ont aidée dans mon procès, que j'ai gagné, témoigne la mère d'une victime. J'avais peur de venir moi-même devant le magistrat porter plainte contre le militaire qui venait de violer ma fillette. C'est le chef d'avenue qui m'a conduite au bureau de SAJ où j'ai été accueillie et assistée tout au long du procès.»

PRES DE 350 EN PRISON

Grâce à cette prise en charge, les plaintes sont de plus en plus nombreuses, contribuant ainsi à réduire l'impunité. L'assistance des avocats favorise le traitement rapide et efficace des dossiers devant la Justice.

Chaque jour, des audiences se tiennent à la prison centrale de Munzenze, au Parquet comme à l'Auditorat, s'appuyant sur la récente loi sur les violences sexuelles. Celle-ci prévoit pour les auteurs de ces crimes des peines de 5 à 20 ans de servitude pénale.

Aujourd'hui, près de la moitié des quelque 700 pensionnaires de la prison de Munzenze ont été condamnés en vertu de cette loi, alors qu'ils représentaient seulement un tiers de la population carcérale il y a moins de six mois. «La plupart des auteurs sont des militaires et des policiers. Une fois le jugement prononcé, la procédure de dédommagement suit», explique le Lieutenant Faustin Katsuva, magistrat à l'Auditorat de garnison de Goma.

C'est à ce sujet, cependant, que des victimes expriment encore leur insatisfaction. «La condamnation civile qui suit le jugement n'est pas toujours exécutée. Même quand l'État est condamné en solidarité avec le coupable, il ne s'acquitte pas», se plaint Eugène Buzake. «C'est le grand regret qui nous ronge le cœur», ajoute Mireille Bukama, parente d'une victime. «Dans la plupart des cas, rétorque le magistrat Faustin, les coupables sont de simples militaires sans moyens, incapables de s'acquitter des énormes dommages et intérêts fixés par la loi.»

SYFIA GRANDS LACS/LP