mercredi 28 mai 2008

Lettre aux membres du Conseil de sécurité

HUMAN RIGHTS WATCH
23 mai 2008

Aux membres du Conseil de sécurité


Votre Excellence,

Nous vous écrivons à la veille de la mission du Conseil de sécurité en Afrique qui doit se dérouler du 1er au 10 juin 2008, pour vous demander d’utiliser cette opportunité pour aborder les problèmes pressants relatifs aux droits humains au Soudan, au Tchad, en Côte d’Ivoire, en République Démocratique du Congo et en Somalie.
Votre itinéraire vous amène dans cinq nations dans lesquelles, globalement, des millions de civils ont subi ou continuent de subir les effets de violences souvent horrifiantes commises par des forces de sécurité gouvernementales et par des groupes armés non-étatiques. Ces exactions incluent des meurtres, des mutilations, des viols et autres atteintes à l’intégrité physique, des enlèvements d’enfants, des déplacements prolongés et sur une grande échelle, ainsi que des arrestations et des détentions arbitraires, et elles sont dans la plupart des cas commises dans une impunité presque totale.

Tandis que des conflits armés entraînant de graves exactions continuent au Soudan, en Somalie et —de façon intermittente— au Tchad, des progrès vers une amélioration de la situation des droits humains se font jour en Côte d’Ivoire et en République Démocratique du Congo. Toutefois dans toutes ces nations, l’action du Conseil de sécurité est un besoin urgent pour mettre un terme aux exactions continuelles commises par toutes les parties au conflit, protéger les civils toujours exposés aux violences, faire rendre des comptes aux auteurs de graves atteintes aux droits humains et exiger que leurs victimes soient dédommagées.

Soudan

Darfour
Tandis que des exactions à grande échelle ont continué au Darfour au cours des deux dernières années, la situation s’est terriblement aggravée en 2008. En février 2008, le gouvernement soudanais est revenu à la tactique contre-insurrectionnelle de « terre brûlée » qu’il avait employée avec des effets si dévastateurs aux premiers jours du conflit. Une enquête de Human Rights Watch sur une série d’attaques contre des civils menées par les forces gouvernementales et les milices alliées dans l’Ouest du Darfour en février 2008 a révélé que les assaillants avaient tué plus de 120 civils, en avaient blessé des centaines d’autres, et avaient détruit et pillé des biens civils, dont des maisons, des écoles, des installations médicales, ainsi que des provisions alimentaires et d’eau. Le gouvernement a poursuivi ses bombardements délibérés ou indiscriminés de villages civils au Darfour : en mai, les forces gouvernementales ont bombardé une école et une place du marché dans le village de Shegeg Karo au Nord Darfour, tuant 13 civils, dont sept enfants.

La force conjointe de maintien de la paix des Nations Unies et de l’Union africaine pour le Darfour (UNAMID), pendant ce temps, en est toujours à un tiers à peine de ses effectifs autorisés, et s’avère incapable de protéger les civils face à l’escalade des violences actuelles au Darfour. Le gouvernement soudanais a continué à entraver le déploiement de l’UNAMID, en particulier en refusant d’accepter le déploiement de forces non africaines, bien qu’il n’y ait pas leur équivalent de troupes africaines prêtes à être déployées, et en limitant la liberté de mouvement de la force au Darfour.

Les violences entre le gouvernement et le groupe rebelle du Mouvement pour la justice et l’égalité (JEM) ont poursuivi leur escalade, culminant le 10 mai 2008 par une attaque des forces du JEM contre Omdurman, un faubourg de Khartoum. Human Rights Watch se félicite de la rapidité des appels du Conseil à toutes les parties pour qu’elles se comportent avec retenue et respectent le droit humanitaire international à la suite de cette attaque, mais nous conservons la crainte que ces appels ne soient pas écoutés. Nous sommes aussi profondément préoccupés par des rapports selon lesquels les forces gouvernementales à Khartoum ont arrêté plus de 100 personnes à la suite de l’attaque, dont beaucoup sont toujours portées manquantes, et que certaines des personnes arrêtées ont été torturées et qu’au moins deux personnes ont été exécutées sommairement en public.

La Cour pénale internationale et le Darfour
Il y a plus d’un an, la Cour pénale internationale (CPI) a lancé des mandats d’arrêt à l’encontre d’Ahmed Haroun et d’Ali Kosheib, basés sur 51 chefs d’accusation pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité au Darfour. Pendant la mission du Conseil à Khartoum en juin 2007, les questions d’Etat de droit et de devoir de rendre des comptes ont été notablement absentes des termes de référence de la mission. Cette omission dans le programme de la CPI n’est pas passée inaperçue de Khartoum. Au lieu de livrer les accusés, le gouvernement soudanais a promu Ahmed Haroun au poste de ministre d’Etat aux Affaires humanitaires, et a remis Ali Kosheib en liberté pour « manque de preuves. »

Les termes de référence actuels de la mission comportent des formules autorisant le Conseil à soulever de façon formelle l’obligation du Soudan de coopérer avec la CPI en accord avec la résolution 1593. Pendant que vous serez à Khartoum, nous vous pressons d’appeler le gouvernement du Soudan à remplir ses obligations d’arrêter et de livrer les deux accusés. Ne pas continuer dans la voie de l’obligation de justice ne pourrait qu’encourager Khartoum à poursuivre sa culture d’impunité, qui se manifeste dans les attaques actuelles contre les civils.

L’Accord de paix global et le Sud Soudan
Tandis que le conflit poursuit son escalade au Darfour, dans tout le Sud Soudan la situation politique et sécuritaire se détériore. Le statut non réglé d’Abyei est un point critique pour les récents affrontements qui ont fait des centaines de morts et entraîné le déplacement de milliers de personnes. Si Abyei est peut-être le symbole le plus puissant de la fragilité de l’Accord global de paix de 2005, les tensions liées à l’insécurité régnante et à la lenteur de la mise en application de l’Accord global de paix s’accumulent dans tout le Sud Soudan.

Le Parti national du Congrès au pouvoir à Khartoum demeure le principal obstacle sur des questions telle que le statut d’Abyei, mais le gouvernement du Sud Soudan n’agit pas non plus pour mettre en œuvre des mesures essentielles qui amélioreraient la situation des droits humains du Sud Soudan. Une enquête menée récemment par Human Rights Watch dans le Sud Soudan indique aussi que les forces de sécurité dans le sud, y compris l’Armée populaire de libération du Soudan et la police, continuent à se rendre responsables d’une série d’exactions contre les civils, à savoir des passages à tabac, des viols et des pillages.

Le Conseil de sécurité devrait :

Condamner en public comme en privé les attaques des forces gouvernementales et des milices alliées contre les civils au Ouest Darfour en février 2008, et les attaques indiscriminées et délibérées actuelles contre des civils ; insister auprès de toutes les parties pour qu’elles protègent les civils et qu’elles respectent le droit humanitaire international, et préciser que le Conseil enquêtera et exigera des comptes à toute partie responsable d’attaques indiscriminées ou délibérées contre des civils.

Demander au gouvernement du Soudan de justifier du lieu où se trouvent tous les détenus faits prisonniers après l’attaque du 10 mai par le JEM contre Khartoum, et de garantir que toutes les personnes arrêtées soient rapidement relâchées, ou bien accusées et jugées en accord avec les normes internationales de procès équitable.

Insister auprès du gouvernement soudanais pour qu’il facilite activement le déploiement complet de l’UNAMID, en autorisant formellement et immédiatement le déploiement des unités thaïlandaises et népalaises, et d’autres troupes non africaines si besoin, et pour qu’il permette à l’UNAMID une liberté complète de mouvement dans tout le Darfour.

Insister auprès du gouvernement soudanais pour qu’il remplisse ses obligations d’arrêter et de livrer les deux suspects recherchés par la CPI, et s’assurer que les rapports et déclarations publiques qui feront suite à la mission mentionneront la nécessité pour Khartoum de coopérer avec la CPI.

Demander au Parti national du Congrès et au Mouvement populaire de libération du Soudan de faire diligence pour mettre en application les principaux éléments de l’Accord global de paix.

Souligner que le gouvernement du Sud Soudan est responsable du comportement de ses soldats et qu’il doit prendre les mesures nécessaires pour enquêter et engager des poursuites pour les abus dont ses hommes se seraient rendus coupables.

Au cours de sa visite à Juba, insister auprès du gouvernement du Sud Soudan pour qu’il accélère l’adoption dune législation appropriée sur un ensemble de questions touchant la protection des droits humains, comme le mandat de la Commission des droits de l’homme du Sud Soudan, la corruption et les droits fonciers.


Négociations ougandaises de paix à Juba
Avec la défaillance des négociations à Juba, Sud Soudan, visant à mettre fin au conflit dans le nord de l’Ouganda, il semblerait que l’Armée de résistance du seigneur (LRA) commette de nouvelles atrocités, par exemple 100 enlèvements au moins en République Centrafricaine (CAR), en République Démocratique du Congo et au Sud Soudan. Au cours des pourparlers de Juba, la LRA a tenté de dépeindre la CPI comme l’obstacle à la paix. Toutefois, le dirigeant de la LRA, Joseph Kony, ne s’est pas déplacé pour signer un accord de paix final le 10 avril 2008, en dépit de l’accent mis sur la tenue de procès nationaux pour les affaires de la CPI. Les allégations d’abus récents et le silence de Kony depuis un mois ne font qu’accroitre les doutes actuels sur l’engagement des dirigeants de la LRA envers les pourparlers de paix.

Le Conseil de sécurité devrait :

Mener des enquêtes approfondies sur les allégations d’exactions commises par la LRA depuis février 2008, y compris les enquêtes signalées à l’ONU et non publiées sur les exactions commises en CAR.

Tandis qu’il se trouve à Juba, discuter avec des interlocuteurs clés —à savoir des fonctionnaires de l’ONU, l’équipe de médiation, des gouvernements régionaux et des observateurs des pourparlers— sur la façon d’endiguer les exactions et de mettre efficacement à exécution les mandats d’arrêt de la CPI tout en minimisant les risques pour les vies civiles et sans recourir à une force excessive.

Dans l’éventualité où Kony se présenterait pour signer l’accord de paix final, le Conseil devrait réclamer une mise en œuvre rapide des dispositions clés des accords de Juba qui prévoient des procès pour les crimes les plus graves, ainsi que la libération des femmes et des enfants se trouvant actuellement avec la LRA. Le Conseil devrait aussi rejeter toute demande de reporter les enquêtes et les poursuites de la CPI, car cela légitimerait une ingérence politique indue dans une institution judiciaire tout en risquant de faire du Conseil de sécurité l’otage des agendas des dirigeants de la LRA.


Tchad

Le recours aux enfants soldats par toutes les parties au conflit au Tchad demeure une grave préoccupation. Le groupe de travail du Conseil de sécurité sur les enfants et les conflits armés a rendu ses conclusions le 24 septembre 2007, demandant au gouvernement tchadien de démobiliser les enfants se trouvant dans ses forces armées, de rendre illégal le recours aux enfants soldats dans le cadre des lois tchadiennes, et d’enquêter avec rigueur et de poursuivre les auteurs de crimes contre les enfants.

Le gouvernement tchadien n’a pas fait grand chose pour mettre en œuvre les conclusions du Conseil de sécurité : 92 pour cent des 501 enfants démobilisés à ce jour étaient d’anciens membres de factions rebelles qui ont rejoint l’armée gouvernementale sous les auspices des récents accords de paix, alors que la véritable démobilisation du côté gouvernemental ne représente qu’un pour cent des quelques 4000 enfants se trouvant sous les armes. Le gouvernement n’a pas agi pour rendre illégal ni poursuivre le recours aux enfants soldats.

Le Conseil de sécurité devrait :

Demander au gouvernement du Tchad d’agir plus fermement pour démobiliser les enfants de la totalité de l’armée, et pas seulement des rangs des anciens groupes rebelles, et de finaliser d’urgence un plan d’action concret et limité dans le temps pour mettre fin à tout recrutement et utilisation d’enfants soldats.

Presser le gouvernement tchadien de mettre en application les recommandations du groupe de travail du Conseil de sécurité du 24 septembre 2007, en :

Mettant en application l’accord de mai 2007 avec l’UNICEF pour démobiliser les enfants soldats ;

Coopérant à la mise en place d’un mécanisme de contrôle et de reporting sur les enfants et les conflits armés ; et en

Rendant illégal le recours aux enfants soldats dans le cadre des lois tchadiennes, et en enquêtant et en poursuivant avec rigueur ceux qui utilisent ou recrutent des enfants, ou qui commettent d’autres crimes contre des enfants, comme des exécutions illégales, des viols et des enlèvements.
Rappeler au gouvernement du Tchad que le groupe de travail du Conseil sur les enfants et les conflits armés entreprendra bientôt son second examen des violations contre les enfants au Tchad, et que s’il ne constate pas de progrès suffisants il recommandera d’autres actions, y compris des mesures ciblées.


Côte d’Ivoire

Le débat public en Côte d’Ivoire se caractérise aujourd’hui par une focalisation intense des acteurs locaux et internationaux sur le processus menant aux élections présidentielles, prévues actuellement pour le mois de novembre de cette année. Human Rights Watch se félicite des progrès accomplis dans la mise en œuvre de l’Accord de Ouagadougou et du rôle joué par les Nations Unies. Cependant, nous sommes préoccupés par le fait qu’en se concentrant étroitement sur les élections, les gouvernements concernés risquent de perdre de vue la nécessité de résoudre les problèmes d’impunité en matière de violations des droits humains, qui sont décisifs non seulement pour assurer le calme pendant les prochaines élections elles-mêmes, mais aussi pour les perspectives à long terme de paix et de stabilité. Voici trois domaines dans lesquels le Conseil de sécurité pourrait jouer un rôle décisif pour l’élargissement du centre actuel de l’attention :

Premièrement, le Conseil de sécurité devrait encourager le dialogue public sur l’importance de la lutte contre la culture d’impunité régnante et sur l’impératif de justice pour les crimes graves qui ont été commis. Human Rights Watch estime qu’étant donné son importance pour l’avenir de la nation, le dialogue national sur ce sujet doit avoir lieu avant les élections, et non après coup.

Deuxièmement, à ce jour le Conseil de sécurité n’a toujours pas rendu public ni débattu les conclusions d’un rapport de la Commission d’enquête sur les graves violations des droits humains internationaux et du droit humanitaire commises depuis septembre 2002, rapport qui a été remis au secrétaire général de l’ONU en novembre 2004. L’absence de débat sur les conclusions du rapport, sans parler d’agir en fonction de ces conclusions, envoie le mauvais signal aux auteurs de ces violations. Human Rights Watch estime qu’au minimum, la publication officielle de ce rapport pourrait servir à aider à l’ouverture d’un dialogue national indispensable sur le besoin de justice de transition.

Troisièmement, les autorités ivoiriennes n’ont toujours pas facilité une mission du Bureau du Procureur de la CPI pour évaluer la possibilité d’une enquête sur les crimes commis en Côte d’Ivoire. Elles avaient pourtant fait une déclaration ad hoc en 2003 autorisant la CPI à enquêter et poursuivre les crimes en Côte d’Ivoire bien que cet Etat n’ait pas ratifié le Statut de Rome. Une mission de la CPI en Côte d’Ivoire permettrait à la cour d’évaluer une éventuelle enquête, mais elle enverrait aussi un signal fort que les crimes graves commis en violation du droit international ne seront pas tolérés. Un tel signal serait particulièrement significatif à l’approche des élections et étant donné les préoccupations actuelles relatives au climat d’impunité pour les crimes passés et présents. Human Rights Watch presse donc le Conseil de sécurité de souligner l’importance pour les autorités ivoiriennes de permettre le déroulement de la mission du Bureau du Procureur.

Le Conseil de sécurité devrait :

Charger l’Opération des Nations Unies en Côte d'Ivoire (ONUCI) d’entamer, par le biais des programmes existants sur l’éducation aux droits humains, les médias et les programmes de sensibilisation, un dialogue public sur l’impunité et la justice.

Publier immédiatement les conclusions du rapport de la Commission d’enquête sur les graves violations des droits humains internationaux et du droit humanitaire commises depuis septembre 2002.

Faire pression sur le gouvernement ivoirien pour qu’il accepte rapidement et qu’il facilite activement une mission du Bureau du Procureur de la CPI.


République Démocratique du Congo

Nous nous réjouissons que le Conseil de sécurité et sa mission de maintien de la paix, la MONUC, continuent à rechercher activement des solutions aux violences qui dévastent l’est du Congo. Au cours des huit derniers mois, des progrès considérables ont été faits pour mettre en place les fondements de la paix dans l’est du Congo, à savoir la signature du communiqué de Nairobi et de l’accord de paix de Goma (Acte d’Engagement) ; la création du Programme Amani [paix] du gouvernement congolais ; et la mise en place du Comité technique conjoint sur la paix et la sécurité pour contrôler le cessez-le-feu et le désengagement des troupes. En dépit de ces avancées, des escarmouches entre groupes armés et forces du gouvernement ont continué et, comme par le passé, elles ont comporté des attaques contre des civils, des violences sexuelles à l’encontre de femmes et de fillettes, et autres graves atteintes aux droits humains. Plus d’un million de personnes sont toujours déplacées loin de chez elles. L’échelle démesurée des atteintes aux droits humains et la crise humanitaire méritent une attention accrue et une action concrète de la part du Conseil pendant sa mission.

Les accords récents signés par les diverses parties comportent tous des obligations substantielles en matière de droits humains et offrent une ouverture importante pour amener les parties à tenir leurs engagements. Nous estimons que le Conseil devrait rappeler aux parties, le gouvernement y compris, leurs engagements en matière de droits humains et la nécessité que ces engagements soient mis en application de toute urgence, en particulier pour qu’il soit mis un terme aux violences sexuelles, que les enfants soldats soient relâchés et pour que cessent les agressions contre des civils. Le Conseil devrait insister fermement, comme il l’a fait dans plusieurs de ses résolutions, sur le fait que les auteurs de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité devront rendre des comptes.

Il est décisif pour le processus de paix de traiter le problème des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), un groupe armé rwandais Hutu dans l’est du Congo. Les troupes des FDLR sont dispersées à travers de vastes zones de l’est du Congo et elles sont impliquées dans de nombreuses attaques contre des civils congolais. Dans le communiqué de Nairobi de novembre 2007, les gouvernements du Congo et du Rwanda se sont engagés à faire de nouveaux efforts pour résoudre le problème des FDLR, et nous leur demandons instamment d’en faire une priorité.

Le Conseil devrait aussi profiter de sa visite pour rappeler au gouvernement congolais qu’il ne doit y avoir aucune aide militaire ni financière aux combattants FDLR, que ce soit directement ou indirectement par le biais d’autres groupes, comme le groupe armé local des Maï Maï et la Coalition des Patriotes résistants congolais (PARECO). Le Conseil devrait soutenir les efforts du gouvernement congolais pour organiser une rencontre avec les dirigeants des FDLR, sous surveillance internationale, pour communiquer pleinement sur les termes du communiqué de Nairobi et recommander le désarmement et le retour volontaire des combattants des FDLR au Rwanda. Soit pendant sa visite, soit à son retour à New York, le Conseil devrait aussi rencontrer les autorités rwandaises pour les inciter à prendre des mesures concrètes pour préparer un environnement qui encourage le retour volontaire des combattants des FDLR.

Le Conseil de sécurité devrait :

Demander instamment une action concrète pour traiter la crise humanitaire et des droits humains dans l’est du Congo et appeler toutes les parties à l’accord de Goma à tenir leurs engagements de respecter les droits humains.

Rencontrer les facilitateurs internationaux et l’Abbé Apollinaire Malu Malu pour démontrer leur soutien au programme de paix Amani et pour souligner l’importance de faire des progrès en matière de respect des droits humains.

Rappeler au gouvernement congolais qu’il ne devrait y avoir aucun soutien, direct ou indirect, aux FDLR et que résoudre le problème des FDLR doit être une priorité.

Soutenir les efforts du gouvernement congolais pour organiser une rencontre avec les dirigeants des FDLR, sous surveillance internationale, afin d’encourager le désarmement et le retour volontaire au Rwanda des combattants des FDLR.


Somalie

La situation en Somalie est l’une des tragédies mondiales les plus brutales et les plus négligées. Depuis début 2007, des milliers de civils à Mogadiscio ont été tués dans des circonstances effroyables par toutes les parties en guerre. Des milliers d’autres ont été blessés, agressés, violés et dépouillés de tous leurs biens quand ils ont fui les violences de Mogadiscio. Chaque jour le nombre de morts et de blessés civils augmente. L’assistance humanitaire, bien que de plus en plus urgente à la lumière des hauts niveaux de déplacements et de la sécheresse croissante, est extrêmement limitée du fait tant des attaques ciblées que de l’insécurité générale.

A ce jour, la réponse internationale à cette catastrophe a été au mieux à courte vue. La visite du Conseil de sécurité à Nairobi est une occasion importante de commencer à rectifier cette lacune. Il est clair que la situation en Somalie est complexe et qu’elle exige une attention substantielle et prolongée de la part de la communauté internationale à de multiples niveaux, non seulement à cause de l’échelle et de la gravité de la crise interne pour les Somaliens, mais aussi à cause de ses graves implications régionales. Dans le contexte de votre visite à Nairobi, nous vous prions de vous concentrer sur deux des nombreux sujets de préoccupation dans vos discussions avec les diverses parties prenantes, somaliennes et régionales.

Le Conseil de sécurité devrait :

Appeler toutes les parties en guerre, dont le gouvernement éthiopien, le gouvernement fédéral somalien de transition et les rebelles, à exprimer puis à mettre en œuvre des mesures qui garantiront un accès humanitaire sans entrave à tous les civils qui ont besoin d’assistance dans les zones sous leur contrôle, et répéter que les attaques contre des travailleurs de l’aide humanitaire sont des crimes de guerre au regard du droit international.

Souligner plus largement la nécessité de mettre fin à l’impunité en Somalie en soutenant la mise en place urgente d’une commission d’enquête internationale pour enquêter sur les rapports de violations des droits humains internationaux et du droit humanitaire commises en Somalie depuis janvier 2007 par toutes parties ; identifier les auteurs de ces violations avec pour objectif de s’assurer qu’ils rendent des comptes ; relever les crimes passés les plus graves qui pourraient exiger d’autres investigations futures; et formuler des recommandations sur des mécanismes appropriés pour la justice et la responsabilité, y compris des poursuites criminelles.


Human Rights Watch estime que votre visite imminente offre une occasion extrêmement importante de mettre les questions décisives de justice, de lutte contre l’impunité et de protection des civils au centre de l’ordre du jour. Véritablement, des vies sont en jeu. Nous vous encourageons, dans votre rôle de leader, à faire usage de vos bons offices pour garantir que les préoccupations vitales décrites dans cette lettre peuvent commencer à être traitées sérieusement et de façon significative. Nous vous remercions de l’attention que vous portez à ces importantes questions.

Veuillez agréer, Votre Excellence, l’assurance de notre haute considération.

Georgette Gagnon
Directrice de la Division Afrique

Steve Crawshaw
Directeur de plaidoyer à l’ONU

http://hrw.org/french/docs/2008/05/27/africa18943_txt.htm

27.05.08 Une vie des déplacés à Minova, Sud-Kivu (ReliefWeb)

Cinq mois déjà, depuis que Jacques Tshimpumpu Mwemezi a fui le groupement de Kamuronza, dans le territoire de Masisi, dans le Nord-Kivu. Depuis, il vit dans un camp spontané de réfugiés à Minova, dans la province voisine du Sud-Kivu. Il a dû marcher toute une journée à pied en ce jour de décembre 2007 pour rejoindre Minova. En sa compagnie : sa femme et ses 3 enfants.
« Nous avons quitté notre village de Karuba à 17 heures pour arriver à Minova le lendemain à 18 heures 30. Comme j’ai des jeunes enfants, nous avons dû les porter à tour de rôle avec ma femme. Le peu d’argent dont nous disposions, a servi à acheter la nourriture chemin faisant pour les enfants. Les grandes personnes pouvaient supporter. » C’est dans ces conditions que Jacques et sa famille sont arrivés à Minova.
Sur place d’autres personnes déplacées les y avaient précédés. Elles se sont installées en construisant des cases de fortune, créant ainsi un camp spontané des déplacés. Des abris de fortune d’à peine 4 mètres carrés par ménage, juste un petit espace pour se protéger contre les intempéries et s’abriter la nuit. IRC est venu installer deux portes de latrines pour plus de 600 ménages. Malgré cette précaution, des cas de choléra sont rapportés dans la localité de Minova dont la plupart viendrait du camp des déplacés.

A Minova, l’accès à l’eau potable est une équation même pour les populations autochtones. La proximité du lac ainsi que toutes les petites rivières qui traversent la cité sont les principales sources d’approvisionnement en eau. D’où la prolifération des maladies d’origine hydrique dont le choléra.

Depuis le 17 mars, les organisations humanitaires ont arrêté toute assistance aux déplacés de Minova à cause d’un problème avec les listes. Le PAM et IRC avaient apporté une assistance en vivres et en biens non alimentaires : farine de maïs, sel, haricot, huile, casseroles, couvertures, etc. L’assistance ne pouvant être organisée efficacement si le nombre de bénéficiaires n’est pas bien connu. Une nouvelle identification est finalisée mais en attendant l’assistance, les déplacés doivent survivre. Alors, ils se débrouillent.

La mendicité à travers la cité est l’une des façons mais beaucoup préfèrent travailler pour nourrir leur petite famille. Mais le choix est limité. La majorité des déplacés se mettent au service des autochtones pour les travaux des champs. Cette "corvée" leur rapporte quelque 500 FC (un peu moins d’un dollar par jour). C’est mieux que rien mais, le plus souvent, ces autochtones paient difficilement ces 500 FC par jour. D’autres, à compter sur les bouts des doigts d’une main, organisent un petit commerce au sein même du camp. Ainsi, par exemple, cette dame qui, dans sa fuite a emporté comme seul bien une machine à coudre, tient un atelier de couture. « La clientèle est rare mais on a quand même quelques clients. »

D’autres n’attendent que les mardis et vendredis, jours de marché à Minova pour se faire un peu de sous. Ils s’adonnent alors au transport des marchandises des commerçants. 8 km à pied avec un sac sur le dos peut rapporter 300 FC. Il faut être costaud.

Tout le monde n’a pas une activité. D’autres passent des journées entières assis dans le camp, écoutant au loin les décibels déversés par un mégaphone qui fait office de "radio publique". En fait de radio, il s’agit d’un particulier qui a placé un mégaphone sur un mat d’une vingtaine de mètres de haut. Alors, il diffuse de la musique à l’aide des batteries interrompue de temps en temps par des annonces personnelles concernant sa famille.

Malgré tout, la pensée des déplacés reste tournée vers le jour de leur retour. Après la conférence de paix de Goma, beaucoup avaient pensé, aussitôt la conférence finie, la paix revenue, rentrer dans leur village. Mais aujourd’hui, certains commencent à déchanter. « On ne sait pas à quoi a servi cette conférence, si l’on ne sait toujours pas renter chez nous. », affirme un déplacé. La situation n’a pas changé dans les localités de provenance de tous ces déplacés dans le territoire de Masisi : Karuba, Gungu, Ufamandu, Matonda, Kibabi, Mushagi….

Un peu nostalgique, Jacques affirme : « Même à cet instant, si on nous disait que le CNDP a quitté notre village, on rentre immédiatement. Mais aussi longtemps que le CNDP est là, on reste. Même si cela doit durer tout le reste de la vie. »

Là-bas, d’après les informations qui continuent à parvenir aux déplacés, les exactions du CNDP à l’endroit de la population se poursuivent. On parle des travaux forcés. Les éléments du CNDP mobiliseraient toujours la population pour le transport de leurs ravitaillements et l’utilise pour l’entretien et le traçage de nouvelles routes. A cela, il faut ajouter la folle rumeur largement répandue comme quoi le CNDP a décidé de castrer tous les jeunes gens. Cela suffit pour dissuader les déplacés de retourner dans leur village même si le conflit armé entre les différents groupes connaît un petit moment de répit. Mais on ne sait jamais.

Pour plus d’information sur le sujet, prière de contacter :

M. Ntumba Mudingayi
Information Publique
OCHA RDC

dimanche 25 mai 2008

Ils adorent les "enfants"

Direct.cd » La une / Benjamin Litsani Choukran

Dans le Sud-Kivu, à l’est de la RDC, la tension monte à nouveau de jour en jour. Les jeunes désertent les villages, les écoles se vident à vue d’œil, les armes menacent de ressortir des cachettes. Il y a trois semaines, l’abbé Malu-Malu, coordinateur de la Conférence de paix et sécurité a fait le déplacement pour essayer de calmer les gens et d’appeler tout le monde à la retenue.

Au début de l’année scolaire en septembre 2007, l’école secondaire de Kabamba, à 42 km au nord de Bukavu, comptait 954 élèves. Sept mois plus tard, elle n’en compte plus que le tiers, les autres ayant préféré se ranger aux côtés des soldats du bataillon local des Forces armées de la RDC (Fardc) pour qui ils travaillent aux champs, lavent le linge, font la cuisine, coupent le bois. « A cela plusieurs raisons, explique un enseignant anonyme. Non seulement, les parents ont du mal à payer les études à leurs enfants mais aussi la misère généralisée ne permet pas aux enfants de se concentrer en classe ». Pour le catéchiste Alexandre (nom fictif), l’explication est à chercher ailleurs : « Il ne faut pas négliger l’influence sur leurs petits camarades des ex-enfants soldats qui ont goûté à la vie facile que leur procuraient les armes, ni les promesses fallacieuses des seigneurs de guerre ».

A Baraka, territoire de Fizi, 264 km plus au sud, le motif de la crainte des habitants se situe ailleurs. Selon eux, les jeunes désertent tout simplement en masse les villages pour rejoindre les Maï-Maï et les maquisards burundais du Front national de libération (Fnl) sur la presqu’île d’Ubwari, au milieu du lac Tanganika, dans les brousses du Burundi ou encore dans la forêt de Rukoko, non loin d’Uvira, d’où les FNL lanceraient leurs attaques de ces dernières semaines contre les forces de Bujumbura. Dans les Hauts-Plateaux de Minembwe par contre, des centaines de jeunes banyamulenge (Tutsi congolais) auraient disparu ces derniers mois après avoir vendu leurs vaches, sous prétexte qu’ils s’exilaient eu Europe, aux Etats-Unis et en Afrique du Sud. En réalité, selon des observateurs des organismes des Nations Unies, ils sont allés en rejoindre des milliers d’autres regroupés dans des camps de réfugiés au Rwanda, d’où ils partent régulièrement pour le Nord-Kivu regonfler les troupes du Conseil national pour la démocratie et la paix (CNDP) du Général dissident Laurent Nkunda.

La misère pousse à tout
Pour essayer de calmer les populations, l’abbé Apollinaire Malu-Malu, président de la Commission électorale indépendante (CEI) et coordinateur de la Commission Amani mise en place pour faire le suivi des Actes d’engagement de Goma fin janvier dernier, a du faire le tour de presque toute la province pour sensibiliser les anciens groupes armés de respecter leurs promesses et engagements en enjoignant leurs hommes de rejoindre les centres de brassage ou de démobilisation. « Tout cela est bien beau, conclut un enseignant peu optimiste. Il leur a fixé un ultimatum de deux semaines sans préciser ce qu’il adviendra de ceux qui refuseront de s’exécuter. Rien ne changera tant que l’Etat ne tiendra pas ses promesses de scolariser les enfants et de s’occuper sérieusement du bien-être social des parents et des fonctionnaires ».

En attendant, l’incertitude et la peur du lendemain se lisent sur tous les visages. D’autant que ces jeunes sont fréquemment associés à des embuscades tendues par l’armée régulière et les différentes milices sur les routes, notamment les récentes attaques contre des convois d’organisations internationales humanitaires.

Déo Namujimbo ( réédité par la Rédaction Direct.cd)

L'émission du 22 Mai 2008 : Kinshasa :« Chronique Benevolencja » : Le souvenir des victimes des violences peut contribuer à la guérison des traumatismes.


La commémoration des événements malheureux peut contribuer à la guérison des traumatismes des victimes. Ces souvenirs amenent les générations futures à trouver des voies et moyens pour que ces genres des situations ne se reproduisent plus. Et ils permettront à ceux qui en portent les stigmates de refaire leur vie.Nicole Ngaka et Jody Nkashama font le point avec Madame Bayidila, Docteur en communication.
Ecouter (Durée: 21 min.) http://www.radiookapi.net/files/audio_file_11692.mp3

Les Parlementaires se penchent sur le Genre : Organisation d’un Atelier d’élaboration du Plan d’Action National du Réseau Parlementaire Genre et Parité

Programme des Nations Unies pour le Développement - République Démocratique du Congo
Kinshasa, le 19 mai 2008 : L’atelier d’élaboration du Plan d’Action National du Réseau Parlementaire Genre et Parité débute ses travaux ce mercredi 21 mai 2008 à 8 heures dans la Salle de Conférences du Parlement, au Palais du peuple. La cérémonie d’ouverture connaîtra la participation des autorités de l’Assemblée Nationale et du Sénat, ainsi que celle du Directeur Pays du PNUD. Ces assises sont conjointement financées par le PNUD, l’UNIFEM et l’ONG FAS (« Femmes Africa Solidarité »).

Parmi les participants figureront une cinquantaine de députés nationaux et provinciaux. Ils vont durant trois jours, procéder à l’analyse des contextes politique, sécuritaire, social, économique, et culturel en vue de l’élaboration d’un Plan d’Action qui sera sous-tendu par une stratégie nationale d’intégration du genre dans le travail parlementaire.

En vue de permettre une réelle appropriation de ce travail par la base, des travaux de restitution seront organisés dans chaque province, pour consolider la synergie avec les autres acteurs sur le terrain.

L’atelier de Kinshasa est déterminant dans la prise en compte de la dimension genre dans le travail parlementaire car il aidera les parlementaires à formaliser une approche d’intégration transversale de ce concept primordial dans les législations. Cet impératif justifie l’appui que le PNUD accorde au Réseau Parlementaire Genre et Parité, en partenariat avec l’ONG panafricaine FAS. La clôture des travaux interviendra le vendredi 23 mai.

Les représentants des media sont cordialement invités à la cérémonie d’ouverture de l’Atelier.

Pour plus d’informations, veuillez contacter Marie Bapu (Conseillère en Genre) 0815491756, Maimouna Mills (Chef de l’Unité Communication) et Clarisse Museme (Associée à la Communication): + 243 81 953 7555, + 243 99 9988572, Email : communication.rdc@undp.org
http://www.undp.org.cd

Lettre ouverte au procureur de la Cour pénale internationale

mercredi 21 mai 2008, 10:26


J’espère sincèrement que les horreurs dont l’humanité a souffert au cours du vingtième siècle nous serviront de leçon douloureuse. »

Monsieur le procureur de la Cour pénale internationale, c’est par ces mots qu’à l’occasion de votre élection, vous souligniez avec émotion votre volonté d’éviter que les atrocités commises au cours du siècle dernier ne soient répétées.

A l’aune de la récente Journée de la femme, le Parlement de la Communauté française a consacré ses travaux aux violences faites aux femmes en République démocratique du Congo.

Pas une semaine ne passe sans que les médias, les ONG, diverses personnalités civiles, politiques ou judiciaires ne nous relatent des cas terribles de viols dans l’est du Congo à l’égard d’un grand nombre de femmes de tout âge et aussi, de plus en plus, à l’égard d’hommes. De 2004 à 2007, on observe de 26.000 à 64.200 cas recensés de viols.

Au-delà de ces statistiques, c’est le caractère systématique et le modus operandi de ces odieuses pratiques qui nous interpellent en tant que femmes ou hommes engagés face à l’horreur. Et cela d’autant plus que nous ne pouvons nier qu’il s’agit d’une stratégie qui ne dit pas son nom visant à détruire les victimes directes de ces viols, et aussi leurs familles, souvent contraintes à être les spectatrices impuissantes de ces atrocités.

Au travers de ces familles brisées, ce sont des communautés locales entières et finalement l’ensemble de la société congolaise que ces actes innommables visent à déstructurer et à annihiler.

Remarquons par ailleurs que ces crimes sont dans la plupart des cas le fait de soldatesques présentes dans la région, pour la plupart, depuis presque quinze ans. Ce qui pose en tout état de cause la question de la responsabilité de la communauté internationale.

Après toutes les initiatives de sensibilisation, de témoignages et de manifestations, ce qui doit nous interpeller et nous préoccuper aujourd’hui, ce sont la dénonciation de ces crimes odieux et les sanctions qui doivent s’ensuivre, à la mesure de l’horreur commise. Quand on sait, qu’au Sud-Kivu, seuls 444 cas ont été déférés à la justice civile et militaire avec des traitements inégaux, faute de moyens humains et financiers pour la récolte de preuves et pour l’aide aux victimes notamment…

Au-delà du traitement judiciaire, les conséquences sociétales des violences sexuelles sont incalculables : physiques et sanitaires (fistules traumatiques, maladies sexuellement transmissibles) ; sociales (rejet, rupture conjugale, abandon d’enfant, exode rural) ; économiques (pillages, déperdition scolaire, appauvrissement) ; psychologiques (traumatismes, destruction de la culture, déliquescence des repères sociétaux, complexe de persécution).

A ce jour, les pouvoirs législatifs et exécutifs, belges notamment, ne sont pas restés inactifs. Interpellés par nombre d’ONG et par la société civile dans son ensemble, des initiatives encore insuffisantes voient le jour depuis cinq ans : adoption de résolutions parlementaires, tous niveaux de pouvoirs confondus ; missions parlementaires et ministérielles, encore très récemment.

Outre les aspects sociaux et sanitaires, pour lesquels les initiatives des pouvoirs législatifs et exécutifs congolais, belges et internationaux se multiplient, il est urgent maintenant que la Justice fasse son travail.

Si le Congo a réformé son code pénal et sa Constitution pour prendre en compte ces phénomènes de violences sexuelles, le chemin est encore long pour rendre totalement opérationnelles ces modifications. La Justice internationale doit agir maintenant sans délai.

L’article 3 des Conventions de Genève s’applique aux conflits armés internationaux ou non internationaux et prohibe les atteintes portées tant à la vie et qu’à l’intégrité corporelle.

Le Protocole additionnel aux Conventions de Genève relatif à la protection des victimes des conflits armés non internationaux – auquel la RDC a adhéré le 12 décembre 2002 – prohibe, quant à lui, les atteintes à la dignité de la personne, notamment les traitements humiliants et dégradants, le viol, la contrainte à la prostitution et tout attentat à la pudeur ainsi que l’esclavage et la traite des esclaves sous toutes leurs formes.

Le Statut de la Cour pénale internationale – ratifié par la RDC – classe notamment les infractions suivantes dans la liste des crimes contre l’humanité : viol, esclavage sexuel, prostitution forcée, stérilisation forcée, et persécution de toute collectivité identifiable pour des motifs liés au genre lorsqu’elle est en corrélation avec un crime relevant de la compétence de la Cour.

Il y a donc pléthore de possibilités pour que ces crimes qui minent l’est du Congo soient examinés urgemment par les juridictions internationales.

Au-delà de toutes les actions évoquées, pour les victimes, pour nos sœurs et nos frères congolais, pour l’humanité tout entière, à ce que l’espérance que la justice soit rendue ne demeure pas une utopie et, selon le souci que vous exprimiez et que nous partageons, nous en appelons, Monsieur le Procureur, à votre diligence et votre proactivité en la matière.


Véronique Jamoulle (PS), Céline Fremault (cdH), Florine Pary-Mille (MR) et Paul Galand (Ecolo) Députés de la Communauté française de Belgique,
Elise Muhimuzi Secrétaire permanente du Comité national Femme et Développement,
Annie Balayi Kapajika Avocate au Barreau de Kinshasa,
Solange Lusiku Membre du Caucus des Femmes du Sud-Kivu pour la Paix.


http://www.lesoir.be/forum/cartes_blanches/carte-blanche-lettre-ouverte-2008-05-21-599763.shtml

"L'espoir" des victimes après l'arrestation de Bemba

Les victimes des violences en République centrafricaine (RCA) reprennent "espoir" après l'arrestation samedi en région bruxelloise du Congolais Jean-Pierre Bemba par la Cour pénale internationale (CPI), a salué dimanche la Ligue centrafricaine des droits de l'homme (LCDH).


L'ex-vice-président de la République démocratique du Congo (RDC), suspecté d'avoir commis des crimes sexuels au Centrafrique en 2002 et 2003, a été arrêté samedi dans la banlieue de Bruxelles.

"Je pense d'abord aux victimes, qui commencent à prendre espoir. Nous pensons que ce ne sera pas la dernière prise" dans cette affaire, a indiqué Me Nganatouwa Goungaye Wanfiyo, président de la Ligue centrafricaine des droits de l'Homme (LCDH), joint par l'AFP en France par téléphone.

"Le procureur l'a dit, d'autres arrestations vont suivre, c'est là le vrai début", s'est-il réjouit.

L'interpellation de Bemba est la première arrestation dans le cadre de l'enquête du procureur de la CPI, Luis Moreno-Ocampo, sur les violences sexuelles commises en RCA lors de la répression armée de l'insurrection menée par l'ancien général François Bozizé.
Menacé, le président de l'époque, Ange-Félix Patassé, avait fait appel à Jean-Pierre Bemba et à son Mouvement de Libération du Congo (MLC), stationné de l'autre côté du fleuve Bangui en RDC, pour repousser l'attaque de Bozizé entre octobre 2002 et mars 2003.

Les auteurs de ces violences ont "détruit en profondeur les structures de la société", a encore estimé Me Goungaye Wanfiyo.

Aujourd'hui, "les femmes sont rejetées par leur familles et villages, elles rejettent elles-mêmes leur enfant né d'un viol", a-t-il expliqué, ajoutant avoir "réuni des preuves" contre M. Bemba.(afp/7sur7)
25/05/08 10h28

11 ans de l’Afdl : un anniversaire douloureux pour la femme congolaise
Le Révélateur | La une|vendredi 16 mai 2008


Le 17 mai 2008, la communauté nationale va célébrer le onzième anniversaire de l’avènement de l’Alliance des Forces démocratiques pour la libération du Congo (AFDL). Pour les Kabilistes et alliés, ce sera une fois de plus l’occasion de se replonger, à travers une parade militaire sur le boulevard triomphal, dans le souvenir de la longue marche de sept mois, d’Est à l’Ouest du pays, qui a abouti à la chute du Maréchal Mobutu, déjà affaibli par les vigoureux tirs de barrage de l’opposition intérieure menée par Etienne Tshisekedi, le leader charismatique de l’UDPS.

A sa création en octobre 1996, l’AFDL était une rébellion menée par les Banyamulenge (Tutsi congolais) pour revendiquer le droit d’appartenance à la nation congolaise. Très vite, elle fut placée sous la responsabilité de Laurent Désiré Kabila, un fils du pays - question de lui conférer un caractère national - et prit la coloration d’un mouvement de libération du peuple congolais du joug de la dictature mobutienne. Arrivée à Kinshasa, le langage change. Au lieu de la libération, on parle plutôt de la révolution parce qu’il fallait faire table rase du passé. La Révolution Pardon prônée par Laurent Désiré Kabila a ouvert la voie à une série de violation des droits humains et des libertés : suppression des partis politiques, nationalisation des medias, etc.

Ceux qui avaient applaudi les petits hommes verts de l’AFDL, arrosant leur passage dans les rues de Kinshasa ou des provinces de l’Est du pays de bouteilles d’eau, sont aujourd’hui désillusionnés en voyant les ‘‘libérateurs’’ se transformer en bourreaux impénitents. Sur la liste des désabusés, la femme congolaise figure en bonne place. Sous le règne du Maréchal Mobutu, on lui reprochait de beaucoup danser pour déifier un homme. Aujourd’hui, elle a tout perdu de ses élans jubilatoires pour ne ressembler vraiment à rien.

Les violences sexuelles ont la peau dure

Victime de violences sexuelles considérées comme viol, elle paie encore à ce jour un lourd tribut aux conflits armés qui émaillent les années du pouvoir AFDL et de ses héritiers politiques. Les statistiques publiées par l’UNFPA sont éloquents : 17.926 cas de violences sexuelles en 2004, 16.323 cas en 2005, 13.404 cas en 2006 et 13.247 cas en 2007, soit une moyenne de 1.100 femmes violées chaque mois. Evidemment, les provinces de l’Est du pays battent le record des cas de violences sexuelles.

Les humanitaires parlent d’un phénomène déplorable qui fait du corps de la femme un véritable champ de bataille. En temps de conflit, les violences sexuelles ont été utilisées comme armes de guerre, sinon comment expliquer que dans des villages entiers à l’Est du pays, on dénombre après le passage des troupes ennemies des cas de viol parmi des enfants de 2 ans ou de vielles dames de 80 ans. Malheureusement en temps de paix également, les violences sexuelles continuent à se commettre de façon systématique et en toute impunité.

C’est ici que se situe le drame de cette situation qui semble ne pas dire grand-chose aux autorités du pays. Car les auteurs de viol sont connus, ils se recrutent aussi bien parmi les hommes armés, que des civils ou de personnes occupant des positions d’autorité et qui considèrent les violences sexuelles comme acte anodin et banal. On se demande alors pourquoi tant d’impunité ? Comment expliquer que ceux qui sont arrêtés dans ce cas arrivent à s’évader des prisons alors que les violences sexuelles sont classées parmi les crimes contre l’humanité.


Lorsque les casques bleus s’en mêlent…

Le sort de la femme et de la jeune fille congolaise suscite de graves inquiétudes, surtout après les allégations d’exploitation et d’abus sexuels impliquant des Casques bleus au Nord-Kivu. On parle d’un réseau de prostitution enfantine présumé à Masisi, localité située à environ 60 km au nord-ouest de Goma, la capitale du Nord-Kivu.

Selon l’AFP, des Casques bleus du contingent indien de la Monuc basés à Masisi auraient, pendant des mois entre mi-2007 et début 2008, eu des rapports sexuels avec des Congolaises mineures contre des sommes dérisoires, selon ces mêmes sources. Ces faits se seraient essentiellement déroulés dans un local situé non loin du camp de la Monuc, où plusieurs jeunes filles se rendaient à la demande des soldats de la paix.

Le Bureau des services de contrôle interne de l’ONU a commencé à enquêter en mars sur ces allégations, mais la majorité des Casques bleus concernés aurait quitté la Monuc dans le cadre de la rotation habituelle des troupes. Et l’accord de siège signé entre la Monuc et le gouvernement congolais est muet sur des cas qui pourraient nécessiter des poursuites judiciaires dans leurs pays d’origine contre des onusiens qui ont commis des abus en RDC.

La Monuc, qui se dit très préoccupée par ces allégations, a été éclaboussée par plusieurs scandales impliquant ses personnels, civils et militaires, dans des affaires d’abus sexuels ou de trafics de minerais, depuis son déploiement en RDC en 2001.

Le Révélateur