jeudi 10 janvier 2008

Émilie Flore Faignond : "Kulalamika ya Mwana Muke"



« Un homme vous protège parce qu’il vaut, une femme parce que vous valez : voilà pourquoi de ces deux empires, l’un est odieux, l’autre est doux » (Chateaubriand).



Pour les femmes du Sud-Kivu dans l’Est de la République Démocratique du Congo !


Distingués invités,Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs,chers amis, chers compatriotes,
Ce n’est malheureusement pas la première fois que des Associations ou des Pouvoirs Publics me demandent de monter aux créneaux pour parler avec des mots affluant de la sève de mon écriture de toutes les violences sexuelles ex abrupto faites à la femme et en particulier à celles que la matrice féconde de la terre congolaise a portées... Toutes celles qui en ont la belle couleur ébène et la douce chaleur. Je me serais volontiers abstenue de dénoncer et de commenter ces faits effroyables et outrageants, préférant de loin chatouiller la muse à travers la poésie où le rêve est roi et la nature ma source d’inspiration. Mais, s’il est vrai que j’aime viscéralement ce Congo, qui est l’essence de ma vie, je me dois de faire entendre ma voix de femme poète pour hurler encore combien la femme est aujourd’hui devenue une arme de guerre de prédilection dans notre pays arrosé d’or et de lumière.

Aussi, j’ai répondu « oui » à l’appel de Maddy Tiembe et d’Yvette Tabu qui ont organisé la rencontre d’aujourd’hui samedi 10 mars 2007 au Cinquantenaire de Bruxelles. Oui, je m’associe intimement au message que des milliers de femmes veulent diffuser avec et autour d’elles. Ce message est celui de l’information et de la dénonciation de la récurrence de ces brutales et horrifiantes exactions sexuelles qui sont hélas ! devenues monnaies courantes au Congo notre Patrie Souveraine. C’est notre manière à nous de porter secours avec nos moyens à ces femmes dont le quotidien est mis en péril sur notre belle planète bleue, sous le firmament de cette somptueuse nation congolaise qui nous a pourtant vus naître et grandir dans la paix et la quiétude. Le Grand Congo ! Notre Congo !

La date du 8 mars intitulée « Journée des Nations Unies pour les droits de la femme et de la paix internationale » a été choisie pour permettre aux femmes du monde entier de faire entendre leurs voix et de revendiquer leurs droits d’êtres humains à part entière. Droits repris dans les articles 13 à 25 des Nations Unies qui définissent la place de la femme au sein de la société mondiale. Aussi, je vous invite aujourd’hui à écouter avec beaucoup de respect et d’attention les voix des femmes de notre patrie. Non pas des voix, mais des cris ! Des cris stridents! Kulalamika ya mwana muke, Kulalamika ya mwana muke. Les cris de ces femmes bafouées dont je me fais le porte-parole au nom des femmes choquées que nous sommes, bouleversées par les violences terrifiantes que subissent des milliers de nos compatriotes dans l’Est du Congo. Je parle, nous parlons pour ces milliers de femmes meurtries, déshonorées, molestées dont les voix désespérées coulent vers nous incandescentes comme de la lave depuis les sommets volcaniques du Ngamuligara et du Nyariagongo. Prêtez bien l’oreille ! Ecoutez : C’est un cri ! Oui un cri !« Kulalamika ya mwana muke », « Kulalamika ya mwana muke ». Oui, ces voix sont brûlantes, brûlantes comme crachées par les bouches en feu des cratères des géants qui surplombent les vallées luxuriantes du Kivu. Ces voix hurlent et s’époumonent en nous criant toute leur détresse, toute leur douleur et leur impuissance face à leur belle et douce vallée endeuillée, maculée depuis de trop longues saisons par le terrorisme sexuel et le génocide mental instaurés dans l'Est du Congo. Depuis de trop longues saisons des hommes ; anciens génocidaires, désœuvrés et abandonnés dans la nature comme des fauves en liberté, ont choisi comme cibles, comme proies, les femmes de cette région aux paysages édéniques métamorphosés pour elles, aujourd’hui en un véritable enfer. Transformés en prédateurs, leurs bourreaux se livrent à leurs crimes en toute impunité. Pendant que les femmes souffrent, crient et pleurent les médias se taisent ! Le monde demeure sourd, reste silencieux et aveugle devant ces pestes nouvelles qui touchent et souillent nos compatriotes. Cette peste nouvelle qui macule notre terre. Kulalamika ya mwana muke, Kulalamika ya mwana muke.

Le viol n’est-il pas un crime odieux contre la dignité humaine, contre le tabernacle sacré et mystérieux de la femme ? Elle qui depuis la nuit des temps porte en son sein la vie avant de l’offrir au Monde !


La Femme créature que mon âme de poète aime tant et tant comparer à une fleur altière, belle, odorante aux pétales chatoyants et fragiles mais surtout aussi généreuse et féconde que la planète terre, notre magnifique patrie universelle. La terre… Ne sommes-nous pas des milliards d’êtres humains à y être nés et à y avoir grandi dans le « creux » de nos mères ?
J’aime à citer ces phrases du grand écrivain français Victor Hugo si anoblissantes pour la femme !

« Si Dieu n’avait pas fait la femme. Il n’aurait pas fait la fleur »

« La femme nous remet en communication avec l’éternelle source où Dieu se mire »

« Que l’amour est une mer dont la femme est la rive ».

De très beaux vers qui nous disent combien la femme est belle et fertile mais aussi et surtout qu’elle est sacrée depuis la nuit des temps. Et malheur, oui malheur à ceux qui profanent le sacré !

Aujourd’hui en ce mois de mars 2007 nous voudrions que vos voix et nos voix forment un chœur puissant et qu’elles se mêlent au cri, ô combien désespéré de nos compatriotes. Que nos voix vibrent, résonnent… Et que dans notre colère, elles tonnent encore plus fort que celles tonitruantes des volcans du Nyriagongo et du Nyamuligira quand ils entrent en éruption ! Oui, nous sommes révoltées et nous souhaitons que le puissant feu de notre désapprobation, soit entendu au sein de cette assemblée et qu’il soit rapporté jusqu’aux Nations Unies pour que soit dénoncé avec véhémence toutes les brutalités que subissent nos compatriotes de tous les âges confondus ! Car la cruauté de ces êtres n’épargne personne ; ils n’ont même plus visage humain ! Même l’animal le plus vil ne se réduit pas à de telles bassesses. Oui ; nous les avons entendu nos mamans, nos sœurs, nos filles, nos petites-filles et même nos grand-mères hurler toute leur douleur et leur désarroi quand ces tortionnaires incoercibles ont fait de leurs corps et de leurs âmes des jouets, une cour de récréation; une chambre de torture. Comme le dit si bien Christine Deschryver.

Christine Deschryver qui déploie tous ses efforts pour révéler l’épouvante sexuelle qui souffle comme un vent irascible en terre congolaise tel un malstrom de tortures terrifiantes et fangeuses. Elle qui s’arme aussi de tout son courage pour mener ce combat titanesque, contre vents et marées. Ne dirait-on pas que l'Est du Congo a été entaché par une souillure purulente, fétide qu’aucune de ses sources cristallines ne pourra épurer ? Nous crions, nous pleurons, nous gémissons avec toutes ces femmes, nos compatriotes martyrisées. « Kulalamika ya mwana muke », « kulalamika ya mwana muke ». Au secours, au secours crient-elles mais le monde entier semble vouloir rester sourd à ces haros de détresse peut-être étouffés et occultés insidieusement pour ne pas mettre en péril des intérêts politiques et économiques dans lesquels se diluent hélas tout le désespoir de nos compatriotes livrées en pâtures à des gens barbares. « Kulalamika ya mwana muke », « Kulalamika ya mwana muke ». Entendez les cris de ces femmes à jamais détruites dans le corps et l’âme avec des séquelles irréversibles dont la liste est longue et effroyable :

« Sida et autres maladies sexuellement transmissibles, la folie s’empare de leur esprit tourmenté, la stérilité, la frigidité, les handicaps lourds, les fistules, sans omettre la mort... »

C’est apocalyptique !

Aujourd’hui, avec toutes les dames et mes sœurs congolaises qui travaillent entre l’ombre et la lumière et qui se sont investies dans cette noble action nous vous demandons à tous ; femmes et hommes de rejoindre rapidement nos rangs, pour mener la seule guerre et le seul combat qui soit juste et en vaille la peine ; celui des droits humains. Ayons la volonté et le courage de sortir ces femmes du gouffre obscur dans lequel elles ont été plongées avec une violence extrême. Car : « Vouloir c’est pouvoir ! » Nous aurons déjà gagné une grande bataille avant d’avoir remporté la victoire sur l’adversité si nos cris ont eu la puissance d’ouvrir les portes de vos cœurs et le don d’éveiller, de réveiller enfin vos esprits et s’ils ont suscité une réelle prise de conscience de votre part face à ce fléau qui coule comme un venin dans le corps de nos mères, de nos sœurs, de nos filles, de nos petites-filles et hélas dans celui de nos grands-mères aussi. L’horreur et son macabre cortège de perversité ! Nous vous demandons donc de bien vouloir déjà apposer votre signature sur notre pétition qui sera bientôt sur « Internet » et que celles-ci soient nombreuses pour qu’elles remplissent des pages entières afin que cette pétition fasse une entrée fulgurante dans l’hémicycle du panthéon des Nations Unies où siègent les Grands Hommes. Ces Grands Hommes qui ont le pouvoir de décision sur les événements qui se passent à travers le Monde entier. Ces hommes qui pourront, nous l’espérons faire bouger les choses à une plus grande échelle que la nôtre. Mais en attendant de voir éclore ce jour crucial, il y a urgence ! Avant d’être confrontés à l’extinction effroyable des femmes de notre verdoyant Congo.

Nous devons agir rapidement et efficacement pour éviter une véritable hécatombe ! Nous vous demandons un soutien moral concret, la collecte de médicaments de première nécessité, d’appareils médicaux, de vêtements (même chauds car dans cette région dévastée les nuits sont particulièrement fraîches). Ce n’est qu’une goutte d’eau pure dans un océan de turpitudes et de douleur mais elle pourra en nuancer la couleur, croyez-moi ! Nous comptons aussi sur vos dons en argent : 25 euros par personne et cela nous aiderait à payer les prestations d’une infirmière, d’un infirmier. Et si votre générosité est plus grande encore que notre espoir, nous pourrions aussi honorer le salaire d’un ou plusieurs médecins et psychologues qui soigneraient et encadreraient ces femmes mortifiées dans leurs corps et leurs âmes. Le plus ignoble des outrages ! Le viol ! J’en appelle à votre humanisme et surtout à vous sœurs congolaises et frères congolais à votre patriotisme qui ne peut demeurer indifférent à cette infamie. Il y a danger sur la terre de nos aïeux ! Oui, il y a danger ! Alors réagissez déjà en diffusant cette information partout autour de vous... Une vraie campagne contre la violence ! Quand l’Association Green Peace dénonce l’extermination de certaines espèces animales sur la terre, le Monde entier s’émeut, tremble et se mobilise pour les protéger, leur porter secours ! Mais c’est à peine si quelques vagues bougent pour dire au Monde qu’en R.D.C. tous les jours des centaines de femmes sont violées, molestées et handicapées par ces viols ! Pourquoi ? Oui, pourquoi ? La vie de nos compatriotes n’est-elle pas précieuse et sacrée ? Alors pourquoi cette indifférence, cette léthargie face à leur drame ? Oui ; pourquoi ? Devons-nous les laisser continuer à vivre leur quotidien dans la terreur, l’épouvante, l’effroi, l’humiliation, l’opprobre, la fange et la douleur ? Où sont nos consciences dans quel tain se mirent-elles pour oser se regarder en face et se taire devant cette ignominie ? Réveillons-nous, je vous en prie ! Des femmes souffrent, hurlent et pleurent dans notre patrie ! Ne tardons plus ! Volons à leur secours ! « Kulalamika ya mwana muke », « Kulalamika ya mwana muke ».

Comme je l’ai déjà dit lors du symposium sur les violences faites à la femme le 23 juin 2006 à Bruxelles. Je tiens à rappeler encore et encore quelques points fondamentaux qui constituent les piliers de toutes les disciplines : ces vertus et toutes ces valeurs perdues et qu’il nous faudra repêcher coûte que coûte pour redonner à la femme toute sa valeur et la place prépondérante qu’elle avait au sein de notre société d’antan et prendre conscience qu’on ne peut ni reconstruire, ni édifier sans Elle !

Car je pense comme Jésus-Christ de Rastaquouère que:

« Les femmes sont les dépositaires de la liberté ».

Je ne pourrais clore notre message avant de citer des femmes et des hommes de terrain qui sur place, parfois au risque de perdre leur vie, dénoncent... et se battent à coups de becs et d’ongles pour venir en aide à nos compatriotes confrontées à des préjudices lourds de conséquences car ils laissent des séquelles profondes physiques et psychiques, pour lesquelles n’existe aucun antidote. Parmi ces femmes et ses hommes il y a, entre autres : Christine Deschryver, le docteur Mukwege et tant d’autres encore qui se battent pour secourir ces femmes avilies, violentées en toute impunité !

Nous sommes toutes unies pour un même et seul combat ! C’est pourquoi nous sommes là et tant d’autres encore qui, elles aussi s’impliquent pour tendre la main aux filles de notre pays ! Un grand vent de fronde pour dénoncer et lutter auprès de Christine Deschryver contre cet homicide volontaire du corps et de l’âme des femmes du Kivu… « La Guerre de Christine » Christine qui est venue expressément du Kivu pour être là avec nous. Christine qui à son retour au Congo rapportera à nos compatriotes martyrisées : notre mobilisation, notre action, notre dynamisme qui consistent à donner une voix à leurs cris et à diffuser de la lumière dans le puits d’obscurité où palpitent leurs douleurs. Nos compatriotes sauront que désormais elles ne seront plus jamais seules.

"Supérieures par l’amour, mieux disposées à toujours subordonner au sentiment l’intelligence et l’activité, les femmes constituent spontanément des êtres intermédiaires entre l’humanité et les hommes " (Comte XIX siècle).

Une dernière citation poétique pour souligner tout le respect que l’on doit à la femme :

« On ne frappe pas une femme, même pas avec une fleur ».

Nous tenons à dire toute notre gratitude à Nathalie Gilson et à Pie Tshibanda, respectivement marraine et parrain de cette action. Nous vous remercions d’être parmi nous aujourd’hui et pour toute votre attention à la lecture de notre message et d’avoir prêté l’oreille, écouté et j’espère entendu le cri de ces femmes du lointain Congo ! Kulalamika ya mwana muke, Kulalamika ya mwana muke . Merci !

Emilie Flore Faignond
Poète-Écrivain
Bruxelles, le 10 mars 2007

Marie Josée Lokongo Bosiko, syndicaliste congolaise : « On n’est jamais mieux défendue que par soi-même »

mercredi 19 septembre 2007 par ITUC CSI

Inventive et offensive. Marie Josée Lokongo Bosiko est vice-présidente de l’Union nationale des travailleurs de la République Démocratique du Congo (UNTC). Elle témoigne des obstacles qui se dressent sur la route des femmes congolaises qui veulent s’affirmer dans le mouvement syndical et sur leurs lieux de travail, et donne ses recettes pour les contourner. Elle confie aussi la façon dont l’UNTC s’y prend pour intéresser les travailleuses de l’informel au syndicalisme et pour lutter contre le sida.


Publié sur le site de la Conférence Internationale des Syndicats, avec son aimable autorisation.

Quels sont les principales difficultés rencontrées par une femme congolaise qui veut être militante syndicale ?
Il y a d’abord le problème de l’acceptation par les hommes. Pour eux, notre place n’est pas au syndicat mais au foyer. J’ai commencé très jeune à militer dans les syndicats, on avait peur des hommes à cette époque. Mais nous devons travailler ensemble pour que la promotion de la femme trouve sa place au sein des syndicats. Chacun doit comprendre qu’un syndicat qui compte beaucoup de travailleuses est un syndicat fort : quand les femmes participent aux activités syndicales, quand elles s’occupent du recrutement des femmes, elles apportent un grand « plus ».
L’accès aux formations syndicales est un problème pour les travailleuses. Beaucoup de ces formations ne sont données qu’aux hommes sans respecter le quota de 30% réservé aux femmes. En outre, la femme mariée doit avoir au préalable l’autorisation de mari lorsqu’il s’agit d’une formation à l’extérieur du pays. C’est le code de la famille de la RDC qui le dit en son article 448. Nous devons apprendre aux femmes à contourner ces problèmes. Il faut s’organiser car si vous rentrez après une réunion syndicale et que votre mari vous dit que vous avez laissé les enfants sans surveillance, il ne voudra plus que vous participiez à la prochaine réunion. On demande donc aux femmes de concilier leurs rôles d’épouse, de mère et de travailleuse. En tant que syndicaliste qui a évolué du bas de l’échelle jusqu’au niveau de vice-présidente, je peux témoigner que c’est possible à condition de bien concilier ces rôles. Nous luttons bien sûr pour faire amender toutes les dispositions qui sont contraires aux droits de la femme.

Avez-vous personnellement obtenu le soutien de votre mari et de votre famille en faveur de votre action syndicale ?
Oui. Quand on accepte que la femme est fidèle, qu’elle fait très bien son travail, on ne voit pas pourquoi on va l’empêcher d’être militante, d’autant que les fruits qu’elle récolte à travers le syndicat sont partagés avec son mari, sa famille et sa communauté. Par exemple, des gens viennent me trouver car ils savent que je suis aussi responsable du projet sur le sida au sein de l’UNTC. Je donne des conseils aux jeunes, on projette un film de sensibilisation… tout le monde vient, me pose des questions, parle de ses inquiétudes sur tel ou tel symptôme. Je les rassure, je leur dis qu’avoir le sida n’est pas la fin du monde, de faire le dépistage volontaire et en cas de résultat positif, de revenir me voir afin que je leur donne les informations pour qu’ils se sentent à l’aise. Une fois que vous connaissez votre état sérologique, vous pouvez prendre les médicaments, suivre les conseils et vivre encore longtemps.

Quelles sont les principales activités de l’UNTC concernant le sida ?
L’UNTC s’occupe présentement de la prévention. Elle a formé 45 employés de l’UNTC en tant que pairs éducateurs Ils font de la sensibilisation sur la connaissance du VIH, les modes de transmission et les moyens de prévention. Ils motivent leurs amis afin qu’ils fassent un dépistage volontaire.
Nous avons aussi formé plus de 400 pairs éducateurs au niveau des entreprises. Ils consacrent quelques pauses de midi à la sensibilisation de leurs collègues. Par le dialogue, ils évitent aussi qu’il y ait des discriminations et des stigmatisations. Chaque pair éducateur a par ailleurs des préservatifs à distribuer lors des sensibilisations. Mais on insiste aussi sur l’abstinence, surtout pour les jeunes, car quand on distribue les préservatifs, ils se sentent libres de faire n’importe quoi, et parfois ils ne les portent pas correctement.
Notre lutte contre le sida s’étend à l’économie informelle. On explique aux travailleurs de l’informel dans quels centres ils peuvent aller se faire dépister ou soigner.

Comment organisez-vous l’économie informelle ?
Nous avons constitué dans les 64 marchés de la capitale, Kinshasa, des comités de femmes pour leur apprendre ce que sont les syndicats. Ces comités expliquent par exemple comment l’affiliation syndicale épargne des tracasseries avec les diverses autorités. Ces tracasseries sont typiques de l’économie informelle, où il n’y a pas de taxes fixées selon des règles claires, pas de contrat de travail, de sécurité sociale, bref tout se fait en dehors des lois. Nous défendons, grâce au dialogue social, les conditions de travail des vendeurs.
Nous essayons aussi d’organiser les travailleurs de l’informel en les initiant à la culture mutualiste. C’est dans cette optique qu’ils ont pu mettre en place, grâce à leur volonté collective, une mutuelle de santé. C’est important car pour le moment, le salaire est insignifiant et n’est pas payé à date fixe. Dès lors, lorsque les gens tombent malades, ils ne savent pas où aller. Mais en devenant membres des mutuelles de santé de l’UNTC, ils peuvent bénéficier de traitements à prix réduits.

Offrez-vous d’autres services aux travailleurs de l’informel ?
L’information et la formation. La formation leur explique quels sont les bienfaits à retirer d’un syndicat, mais nous offrons aussi des formations pratiques sur, par exemple, la façon de tenir un budget. Nous leur apprenons à tenir un petit carnet de budget avec les entrées et les sorties. Nous les poussons aussi à s’assembler en coopératives car ils peuvent ainsi obtenir plus facilement le soutien de bailleurs de fonds. L’UNTC peut parfois leur prêter un petit fonds, sous la forme de microcrédit. C’est le cas par exemple dans la province du Bas-Congo, non loin de Kinshasa, où nous avons un champ sur lequel nous travaillons en partenariat avec des communautés de paysans : nous leur fournissons de la semence de manioc et, à la récolte, l’UNTC et ces travailleurs partagent les bénéfices. Le fonds initial qui nous a permis de débuter cette activité est issu d’une petite coopérative de pisciculture que nous avions mise sur pieds dans une autre région.
Ailleurs, à Bandoudou, nous avons financé l’achat d’un vélo par des travailleurs de l’économie informelle. Ils s’en servent pour faire office de vélo-taxi. Celui qui emprunte ce vélo doit payer une location par jour. Il garde en poche tout ce qui excède le montant de la location et s’il gagne moins, il signe une reconnaissance de dette. Cette location permettra à l’UNTC de récupérer à terme son investissement dans l’achat du vélo.

Quelles actions menez-vous en faveur des travailleuses ?
Nous avons un comité de femmes au sein de chaque entreprise. Son rôle est de canaliser tous les problèmes spécifiques aux travailleuses et d’en discuter dans les réunions avec les employeurs. L’adage qui dit « On n’est jamais mieux défendue que par soi-même » se vérifie car si aucune femme n’est déléguée syndicale, les problèmes spécifiques aux femmes ne seront pas bien présentés. Le comité de femmes peut par exemple décider de créer une mutuelle au niveau de l’entreprise afin de s’entraider, comme en cas de naissance ou de décès, histoire de ne pas trop déranger l’employeur. Celui-ci trouve aussi son compte dans l’existence de ces comités de femmes car lorsque les travailleuses n’ont pas de problèmes au niveau de l’entreprise, la productivité augmente.
Ces comités de femmes sont aussi chargés d’agrandir les bases de militantes. Notre devise est « Une pour dix » : celle qui est recrutée doit essayer d’en recruter 10 autres. Les présidentes des comités de femmes de chaque entreprise s’assemblent par ailleurs pour constituer un comité provincial. Elles nous aident à formuler des revendications nationales concernant les problèmes des femmes.

Quels sont les principaux problèmes soulevés par les comités des femmes ?
Il y a d’abord celui de la maternité. Avant, les femmes accouchaient jusqu’à deux fois par an, par exemple en mars et en décembre. Des employeurs se plaignaient, ils ne voulaient pas engager de femmes car elles venaient avec des problèmes : les absences pendant la grossesse, les visites médicales, les vaccinations du bébé… tout ça énervait les employeurs. Il fallait trouver une solution. En tant que syndicat, nous apprenons à nos travailleuses membres comment régulariser les naissances. Nous utilisons les quatre « T » pour expliquer aux femmes ce qu’il faut éviter : trop tôt, trop rapproché, trop nombreux et trop tard. Ces quatre « T » peuvent vous mener à la mort si vous ne respectez pas la règle. Cette formation donnée via les comités de femmes en entreprises a donc pour but qu’elles espacent les naissances et que l’on obtienne de bons résultats dans les entreprises.
Au niveau syndical, nous luttons également pour la protection des droits liés à la maternité. Il s’agit d’une recommandation cruciale de la CSI car beaucoup de gens ne savent pas ce dont il s’agit. Nous expliquons pourquoi la protection de la maternité est importante au niveau de la société, de l’employeur, du foyer, du gouvernement et de l’enfant… C’est un message qu’il faut répéter tant au niveau du gouvernement qu’à celui des employeurs et des travailleuses elles-mêmes. Nous devons tous lutter pour ratifier la convention n°183 de l’OIT sur la maternité. Nous avons pour le moment une femme ministre du Travail et de la Prévoyance sociale qui est très favorable à la condition féminine, nous l’avons rencontrée afin de pousser la RDC à ratifier cette convention internationale.

Qu’en est-il du harcèlement sexuel ?
C’est un gros problème. Nous demandons aux femmes de dénoncer tout cas de ce genre, c’était d’ailleurs le thème de la Journée du 8 mars cette année : « Non à la violence sexuelle faite à la femme ». Si un homme découvre que dès qu’il commence à harceler telle ou telle femme, celle-ci le dénonce, il va hésiter, comprendre que ce n’est pas bien. Il faut punir les auteurs des harcèlements et dès ce moment, ça va peut-être diminuer. Mais les femmes peuvent être des harceleuses également. Nous les conseillons au mieux sur la manière de réagir face au harcèlement sexuel.

Quand on parle du Congo dans les médias internationaux, c’est souvent au sujet de la guerre. L’UNTC est-elle présente dans une région comme l’Ituri ?
Nous sommes implantés dans toute la RDC à travers nos 64 unions syndicales. Nous recevons des rapports de la part de nos permanents dans ces régions au sujet des cas de viols, des tueries, … Mais nous manquons de moyens pour aller là-bas et évaluer les souffrances des travailleurs. Pour le moment, nous travaillons par lettres, par courriels et téléphones, mais lorsque nous disposerons du financement, nous programmerons une visite dans la province orientale.

. Bruxelles, le 28 août 2007. Propos recueillis par Samuel Grumiau.

L’UNTC est l’une des trois affiliées de la CSI en République démocratique du Congo, avec la Confédération syndicale du Congo et la Confédération démocratique du travail.
Créée le 1er novembre 2006, la CSI représente 168 millions de travailleuses et de travailleurs au travers de 305 organisations nationales de 153 pays et territoires. Site web :
www.ituc-csi.org

mercredi 9 janvier 2008

Intervention d'Emile Noel à l'atelier de lutte contre les violences sexuelles au CNCD

Bonjour Je me présente : Emile Noël de la société GIPSA une sprl dont les abréviations signifient Groupe Interculturel de Promotion de la Santé et des Arts.

Je voudrais en tout premier remercier les associations organisatrices qui m’ont offert l’opportunité de participer aux premières pistes de réflexion sur les pratiques solidaires en Belgique. Ces réflexions dans le cadre de la lutte contre les violences sexuelles de guerre faites aux femmes en RDC sont très actuelles et judicieuses. Le constat fait par ces association est interpelant il faut l’avouer:
« Malgré les appuis déjà nombreux et la multiplication des efforts des associations locales, malgré les dénonciations régulières, les violences sexuelles sont encore commises. Aucune réparation n’est accordée aux victimes ».

Je ressens à travers ses interpellations tantôt un certain plafonnement dans les capacités de faire bouger les choses, tantôt une impatience animée par le désir légitime de changement. Le fait que sur le terrain les appuis obtenus ne se traduisent pas en changements significatifs ne peut-être en effet qu’interpellant.

Dans notre désir d'être acteur du changement, ne faudrait-il pas que nous nous posions la question de la façon suivante : Pourquoi l’approche préconisée et les actions prises ne parviennent-elles pas à être mobilisatrices ? En quoi ne sommes-nous pas convaincants ? Les appuis potentiels existent certes mais sommes nous capables de les mobiliser et traduire leurs actions en réalisations sur le terrain.

A mon humble avis, il faudrait éviter que les pratiques professionnelles auprès des personnes violentées prennent une forme charitable donnant aux actions et aux gestes des allures « de main tendue ». Je crains fort que ce concept de la solidarité trouve de moins en moins preneur auprès des professionnels des communautés concernées. Une conception de la solidarité se développe habituellement autour de la notion d’équité, de partage, de respect.

Quel est le concept de solidarité des gens auxquels nous voulons apporter notre appui ? Les appuis que nous leur apportons, respectent-ils réellement leurs traditions dans la façon de gérer l’adversité ?

Il ne s’agit pas ici de faire la promotion des approches exclusives. Il ne s’agit pas de refuser les expertises développées au cours des années. Il s’agit plutôt de réfléchir sur la nécessaire adaptation que doivent revêtir l’organisation et l’expression des appuis pour répondre aux besoins sur le terrain.

En oubliant d’intégrer le concerné dans le processus de résolution de son problème on inocule le poison avec le remède, puisqu’on exclue du centre de l’action les premiers entéressés.
Combien de sociétés de marketing d'origine africaine ont participé à la conception, la réalisation de publicités destinées aux différentes luttes qui ont concerné les africains. Bien sur, il y a eu quelques participations qui sont de l’ordre des bonnes actions. Combien d'artistes africains ont fait partie du casting d'embauche dans la production de ces publicités. Bref quelles ont été en pourcentage les retombées économiques réelles pour la diaspora africaine dans les différentes luttes concernant ses communautés. En quoi les campagnes qui ont duré des années et au cours desquelles il s'est dépensé des milliards d'euros, ont-t-elles contribué à la vélocité de la monnaie dans la communauté migrante des afro-descendants. Tous les appuis existent en Belgique.

Cependant leur implication et leur solidarité, leur savoir être et leur savoir faire est souvent à l'écart du bouillonnement économique généré par les différentes campagnes de lutte contre les souffrances humaines qui concerne au premier chef les africains. Tout ceci parce que ses appuis ne se sont pas organisés entre partenaires d’affaires qui désirent entreprendre ensemble et avec l’appui des autres une action concertée pour résoudre un problème de leur communauté.
Faisons le constat que ces pratiques de solidarité développent sous une intention noble, une sous culture de dépendance dont les effets pervers à long terme contribuent à nous maintenir éternellement en situation déficitaire. De concernés, nous sommes devenus solidaires.

Les violences sexuelles de guerre nous interpellent à plusieurs niveaux : Tout d'abord en tant que personne. A ce titre notre réaction est commune à beaucoup d’humains. Il y a ceux qui ont le désir de contribuer à une aide et qui passeront à l’acte et d’autres qui remettront toujours à plus tard leur implication

Mais ces violences interpellent certains parmi nous de façon viscérale, puisque bon nombre de ces femmes violentées sont celles du village d'à côté, ce sont des voisines, ce sont des nièces, des cousines, des mères. A ce titre, ce que nous pouvons ressentir comme élan de solidarité et la façon dont nous le ressentons se répercute chez nous à un niveau de désir d’investissement de soi pour gérer et résoudre une difficulté d’ordre socio économique qui nous concerne.

Cependant, au fur et à mesure de son évolution cet élan d’investissement s’appauvrit et devient essentiellement dans la pratique de tous les jours une course aux subsides par compassion à une misère humaine. Ce changement d’état d’esprit fera toute la différence dans l’évolution de la courbe des appuis et la forme que prendront les résultats sur le terrain.

La résolution sur le terrain des violences sexuelles de guerre faites aux femmes en RDC, requiert des interventions spécialisées de plusieurs disciplines professionnelles de façon simultanée. La bonne coordination sur le terrain sur les plans financiers, économiques, juridiques, criminologiques et politiques ainsi que la diffusion adaptée de l’information assurera le changement de mentalité recherché à travers les pratiques de vie courante.

En ce sens, la résolution de ce problème n’est pas différente d’un autre du même type qui sévirait n’importe où sur la planète. Sa résolution passerait par une action coordonnée et simultanée de plusieurs disciplines issues autant des milieux concernés que des milieux aidant. Ces actions concertées favoriseraient une intégration efficace sur le terrain des différentes expertises susceptibles d’avoir un impact sur les mentalités à changer.

Nous, en tant que groupes de psychologues, de médecins, de juristes, avons des intérêts avoués à gérer de façon efficace et rentable les inconforts des populations à travers nos pratiques professionnelles respectives.

GIPSA offre aux professionnels qui veulent actuellement s’associer à une action solidaire et organisée, un système de partenariat. Il s’agit d’un cabinet virtuel, élargi aux différentes spécialités, médicale, sociale et juridique.

Nous offrons à nos partenaires une visibilité sur notre site où ils peuvent afficher leurs coordonnées, leur mission ou leurs spécialités, leurs caractéristiques particulières, ou un lien avec leur site. Un service de relations publiques pour la promotion des différents services offerts par les partenaires ainsi que leurs particularités

Un code d’éthique qui encourage les partenaires de GIPSA à avoir une conduite professionnelle favorisant un traitement global du patient.

Un service de réception des demandes de client et de répartition vers les services compétents

Un service de secrétariat :
o pour planifier et répartir les rendez-vous du client chez les différents partenaires susceptibles de répondre à ses besoins
o Pour administrer les dossiers des clients

Nous recevons la demande de la personne,
Nous évaluons les besoins
Nous proposons à nos clients des choix parmi nos partenaires pour solutionner les difficultés rencontrées.

Notre mission
Mettre à la disposition des personnes des ressources professionnelles pour qu’elles puissent résoudre de façon efficace les problèmes de santé, les difficultés administratives, familiales, professionnelles qui peuvent survenir.

Les appuis potentiels sont là. Une bonne coordination devrait déboucher sur des actions et informations concertées sur le terrain

Merci
E . Noël

http://gipsa.synchrone.be/