mercredi 14 mai 2008

AFEDE asbl : Les femmes en première ligne dans les conflits armés

Droits de l'homme - 06-05-2008 - 20:19

La situation dramatique en République démocratique du Congo et les violences sexuelles ont été le fil rouge d'une audition sur les femmes dans les conflits armés organisée conjointement par les commissions du développement et des droits de la femme du PE ce mardi. Une mise en œuvre plus systématique de la résolution 1325 des Nations Unies par les Etats membres et une stratégie européenne figurent parmi les propositions des députés.


Pour Marie-Arlette Carlotti (PSE, FR), les femmes sont en première ligne car les conflits sont souvent des guerres civiles. "Aujourd'hui, 90% des victimes sont des civils, essentiellement des femmes et des enfants, et ce, en raison de leur statut social et de leur sexe". "De plus en plus souvent, le viol ou la violence sexuelle deviennent des tactiques de guerre. Il nous faut aujourd'hui passer de l'intention à l'action", a-t-elle affirmé, soulignant que le droit international humanitaire reste souvent lettre morte.

Le droit international humanitaire consiste à "réduire la souffrance dans les conflits armés", en distinguant notamment civils et combattants, a expliqué Florence Tercier, du Comité international de la Croix rouge (CICR). Cela n'exclut pas que "certaines femmes prennent les armes, forcées ou non", a-t-elle ajouté.

Grace Lula Hamba de la Ligue des Femmes pour le développement et l'éducation à la démocratie (RDC) a indiqué que les femmes sont considérées comme "trophée, butin de guerre et natte du combattant" dans le conflit qui sévit au Kivu depuis 1996.

Luisa Morgantini (GUE/NGL) a souligné que "la violence accumulée lors des conflits armés se transforme souvent en violence conjugale" dans la période post-conflit où les femmes ont un rôle familial important à jouer.

Recommandations

"Les programmes de développement de l'UE traitent de l'égalité des genres et de la problématique des conflits armés de manière distincte", a reconnu Dubravka Sekoranja, au nom de la présidence en exercice du Conseil. "L'UE dispose d'une large palette d'instruments et de politiques mais il faut une stratégie globale", a-t-elle ajouté. "Afin d'améliorer la réponse de l'UE envers les conflits armés, la présidence slovène a demandé une étude qui servira de document de discussion pour un débat au Conseil en mai".

"Parce que le droit international ne doit justement pas rester lettre morte, le gouvernement espagnol a mis en œuvre un plan d'action national basé sur la résolution 1325 des Nations Unies sur "les femmes, la paix et la sécurité". A l'heure actuelle, seuls 6 Etats membres de l'UE sur 27 ont appliqué cette résolution", a indiqué Silvia Escobar, Ambassadeur pour les questions relatives aux droits de l'homme au sein du ministère espagnol des affaires étrangères. Ana Gomes (PSE, PT) a demandé à la présidence slovène "d'exiger des Etats membres l'application de cette résolution".

"Les femmes dans les conflits armés doivent être envisagées à la fois comme victimes mais également comme actrices dans la prévention des conflits", a estimé Anja Ebnöther du Contrôle Démocratique des Forces Armées (CCDFAG), dénonçant une sous-représentation des femmes dans la police et l'armée.

Pour Kasereka Lusi, Directeur de l'organisation HEAL Africa en RDC, "l'UE doit jouer un rôle sur la scène internationale pour rétablir la paix". Il a plaidé pour "une tolérance zéro envers les violences sexuelles". Or, si la loi existe pour punir de tels crimes, "il manque souvent un système judiciaire efficace".

En conclusion des débats, Anna Záborska (PPE-DE, SK), présidente de la commission des droits de la femme, a insisté pour que les présidences suivantes de l'UE assurent un suivi de l'étude initiée par la Slovénie. Elle a également appelé à une aide de l'UE ciblée et concrète pour les femmes victimes de violences sexuelles pour que "la tolérance zéro ne soit pas uniquement un slogan".

06/05/2008
Commission du développement
Président : Josep Borrell Fontelles (PSE, ES)
Commission des droits de la femme et de l'égalité des genres
Présidente : Anna Záborská (PPE-DE, SK)

mardi 13 mai 2008

AFEDE asbl : "Dis-le, raconte-le"

CONGO - REPORTAGE

francis van de woestyne

Mis en ligne le 06/05/2008

Dans l'est du Congo, la barbarie n'a plus de limite. Des femmes, des jeunes filles, des enfants sont kidnappés et deviennent les esclaves sexuels de bandes armées issues des rangs des rebelles rwandais. L'horreur de l'horreur.
Denise* vit encore. Mais elle est comme morte. De peur, de honte, de mal.

"Dis-le dans ton pays. Ecris-le. Raconte-le. Il le faut. Ils ne vont pas te croire. Ils diront que tu exagères, que tu inventes, que tu ne rapportes que des rumeurs. Mais nous, les femmes, on n'en peut plus. On nous tue. On est devenue des esclaves sexuelles. Ici, c'est la barbarie. Je t'en prie, il faut le dire. Il ne faut pas ajouter le silence au drame absolu et à l'impunité de nos bourreaux. Dis-le."

Promis, Denise.

Ici, à l'est du Congo, dans la région du Nord et du Sud Kivu, elles ne sont pas nombreuses à avoir le courage de raconter l'enfer - le mot est doux encore par rapport à la réalité - qu'elles ont vécu. Ici, le viol à grande échelle est devenu une arme de guerre à tel point que beaucoup de femmes et de jeunes filles auraient préféré mourir plutôt que de vivre ce qu'elles ont connu. Il n'y a pas de mot qui puisse qualifier cela.

"Dis-le, raconte-le. Je t'en prie, même si cela te fait mal à toi, d'écrire cela. Même si cela fait mal à ceux qui te liront. Dis-le."
Oui, Denise.

La barbarie dure depuis une dizaine d'années. Il a fallu longtemps avant que les langues ne se délient. Que les victimes osent parler. Que les observateurs perçoivent l'ampleur du drame. On parle de 16 974 cas recensés en 2007. Recensés. Plus tous ceux que l'on ne connaîtra jamais. Ici, dans l'est du Congo, les rebelles rwandais des FDLR (Forces démocratiques de libération du Rwanda), des Hutus, qui ont fui leur pays au moment des massacres de 1994, n'ont jamais osé ou voulu rentrer dans leur pays, craignant de devoir répondre de leurs crimes.

Ces FDLR se sont muées en bandes armées qui survivent dans les forêts épaisses du Congo où elles sèment une terreur sans nom. Drogués, ivres, ces "soldats" mènent des expéditions punitives dans les villages et kidnappent des femmes, parfois très jeunes.

Elles sont violées à la chaîne par ces soldats. Mais plutôt que de leur rendre leur liberté, ils les gardent pendant plusieurs mois, voire plusieurs années et en font des esclaves. Des esclaves sexuelles. Obligées de tout faire pour satisfaire les caprices sexuels de leur maître. Mais aussi, obligées d'aller voler de la nourriture dans leur village. Si elles ne reviennent pas, ils mènent des expéditions punitives et tuent des membres de leur famille. Obligées de tout faire, tout, tout.

"Dis-le, raconte-le."

Oui.

Au départ, dans le groupe de femmes enlevées dont Denise faisait partie, elles étaient six. Deux n'ont pas survécu. Car la sauvagerie des violeurs est telle - ils utilisent aussi des bâtons ou leurs armes pour les viols - que les femmes, souvent, sont déchirées. Leurs plaies s'infectent. Les septicémies sont fréquentes. Elles meurent seules, abandonnées dans la forêt. Quand les survivantes se rebellent, refusent ceci ou cela, elles sont punies. On les force à dormir sur le cadavre de leurs amies. A boire l'urine de leurs bourreaux. A se livrer au cannibalisme. A manger de la chair humaine, celle d'un de leurs enfants, tués sous leurs yeux. Avant, ces barbares s'attaquaient surtout aux femmes mûres et aux jeunes filles. Depuis peu, les femmes âgées et les enfants en bas âge sont aussi convoités. Car la dernière rumeur veut que, pour guérir du Sida, dont tous ces barbares sont infectés, il faut purifier son sexe dans le ventre d'une femme âgée ou d'un enfant. Cela les renforce aussi, disent-ils, avant d'aller au combat.

Dans ces villages perdus, tout le monde vit dans l'angoisse perpétuelle d'être attaqué. Dès que les femmes, commises aux travaux des champs, s'éloignent un peu de leur case, elles savent que le danger est là, tout proche. Pour avoir la paix, elles n'ont parfois d'autre solution que de sacrifier une de leurs filles, livrée aux violeurs, en échange de quelques heures de tranquillité.

"Dis-le. Raconte-le."
Comment taire ces témoignages ? Car se taire, c'est laisser la barbarie se poursuivre. Il n'y a aucune raison que ces pratiques s'arrêtent. Ainsi, dans les grandes villes du Congo, à Kinshasa, à Lubumbashi, le citoyen ordinaire refuse d'entendre cette réalité. Un récent "micro-trottoir" publié dans le "Journal citoyen" révèle cette indifférence coupable : tous les Congolais interrogés, hommes et femmes, estiment que si viol il y a, c'est parce que ces femmes sont provocantes ou trop légèrement vêtues. Une honte.

Que font les États ? Malgré les accords conclus, le Rwanda ne met pas beaucoup d'enthousiasme à faire rentrer ces rebelles qui seraient, disent les responsables de Kigali, une menace pour les 9 millions de Rwandais. Que dire alors des 15 millions de Congolais de la Région des Kivus qui doivent endurer cet horrible voisinage ?

Autre problème immense. Si ces pratiques ont lieu et se perpétuent c'est aussi parce que les auteurs bénéficient d'une grande impunité. Par peur des représailles, les survivantes n'osent pas parler. Elles savent que si elles parlent, elles risquent de s'attirer les foudres des violeurs. Elles n'osent pas parler, non plus, parce que, avoir une femme violée dans la famille, c'est la honte. Les femmes violées sont bien souvent répudiées par leur mari et rejetées par leur famille. Elles sont partagées entre l'amour d'un enfant, la chair de leur chair, qu'elles ont mis au monde après l'agression et la famille qui ne voit, dans ce petit corps, que le "fruit" d'un viol. Cacher le viol ? Ce n'est pas toujours possible. Car la violence avec laquelle ces femmes ont été agressées, avec des armes, des branches ou d'autres objets, provoque souvent chez elles une fistule, une connexion entre le vagin et le rectum. Elles dégagent alors une odeur nauséabonde très caractéristique.

Depuis quelque temps, ce drame commence à être pris en charge. Plusieurs hôpitaux, comme celui de Panzi, près de Bukavu, tentent de restructurer ces femmes sur le plan gynécologique, mais aussi moral et psychologique. Panzi n'est pas le seul centre à les accueillir. D'autres structures, plus petites, ont été ouvertes là où les drames se vivent, en pleine forêt. Mais il faut des mois pour guérir ces femmes.

Pourquoi les violeurs sont-ils si peu inquiétés ? D'abord parce qu'il n'est pas simple de les identifier et de les trouver. Ils connaissent parfaitement ces forêts où personne n'ose s'aventurer et ne se déplacent bien souvent que la nuit. Ils échappent à toute traque. Quand ils sont pris, quand même, il n'est pas évident de les juger. Car l'appareil judiciaire congolais est, dans cette région, complètement déstructuré. C'est pour restaurer une justice dans l'est du Congo que le programme Rejusco a été lancé avec l'aide, notamment, de la Coopération belge. Il vise notamment à réhabiliter des lieux de justice et des prisons, à former la magistrature, à exécuter un monitoring des procès et à sensibiliser les citoyens afin qu'ils retrouvent confiance en la justice.

Car ici aussi, comme dans les autres corps de l'administration congolaise, la corruption règne. La justice ne se rend pas, elle s'achète. Même dans les cas de viols, il arrive que les sanctions soient clémentes. Les juges aussi craignent les représailles. Le programme Rejusco, indispensable à la stabilisation de la région, a déjà permis la construction de plusieurs tribunaux et de prison. Car il en manque ici. L'Etat congolais est complètement désargenté et aucun budget n'est prévu pour l'entretien des prisonniers. Dès lors, Rejusco a prévu la construction de fermes-prisons : les détenus, encadrés, vont travailler à la ferme attenante et produisent les céréales et élèvent le bétail pour leurs besoins alimentaires. Pour résoudre les problèmes de distance et de transport, Rejusco organise aussi des "audiences foraines" : les magistrats se déplacent en brousse, s'installent pendant quinze jours et règlent, en un temps record, 50 à 70 affaires, selon l'importance.

Petit à petit, des dossiers pour violences sexuelles sont ouverts. Encouragées par les associations de femmes congolaises, les victimes, enfin, parlent. Grâce aux témoignages, on se rend compte aussi que si les rebelles rwandais sont responsables de 75 à 85 pc des viols, des membres de l'armée congolaise (FARDC) sont aussi impliqués.

Reste cette question : que faire ? Comment arrêter ce massacre, ce génocide sexuel ? La première nécessité est d'assurer la paix et la sécurité de la région. La récente conférence de Goma, organisée en janvier, a débouché sur des actes d'engagement par lesquels les parties se sont engagées à rendre les armes et à renoncer à toute forme de violence.

Dans les faits, peu de choses ont changé malgré les efforts réels de certains dirigeants et les tentatives de "restitution" (présentation) des accords dans les coins les plus reculés. Un homme se distingue dans cette opération : l'abbé Apolinaire Malu Malu, fortement soutenu dans son action par les Belges.

Reste la voie humanitaire. Des organisations gouvernementales sont présentes sur place et tentent d'apporter aux femmes l'aide médicale, psychologique voire matérielle qu'elles attendent. La difficulté, c'est bien sûr de faire en sorte que les fonds investis par la Coopération belge et celle des autres pays ne se perdent pas en rapports, études, et conférences interminables. Or il est apparu, lors de la visite des ministres des Affaires étrangères, Karel De Gucht, et de la Coopération, Charles Michel, que certaines grosses ONG pouvaient se révéler très budgétivores et pas toujours très efficaces sur le terrain. Il faut donc chercher le moyen d'agir directement, concrètement sur le terrain afin que l'aide permette aux associations congolaises ou mixtes, en contact direct avec ces femmes blessées à jamais, de poursuivre leur action, non seulement dans les villes où les Congolais viennent chercher la sécurité mais aussi dans les forêts, théâtres d'un drame inimaginable.

Sans une mobilisation internationale de taille, la barbarie se poursuivra.

Pourtant, on ne pourra plus jamais dire qu'on ne savait pas.

"Dis-le. Raconte-le."

Voilà, Denise.

* Nom d'emprunt.

http://www.lalibre.be/actu/monde/article/419399/dis-le-raconte-le.html

mardi 26 février 2008
Archevêque de Bukavu : « Le viol massif des femmes est une arme de guerre »


Dans la province du Sud-Kivu (Est de la RDCongo), les risques de guerre montent, déclare Mgr. Maroy Rusengo, archevêque de Bukavu. La raison en est le général dissident Laurent Nkundabatware, le chef des milices « rebelles » qui, soutenu par le gouvernement rwandais, terrorise actuellement les populations autochtones dans la province voisine du Nord-Kivu.

Horizons et Débats : Excellence, y aura-t-il bientôt une nouvelle guerre ravageant une fois de plus la région déjà meurtrie des provinces orientales congolaises des deux Kivu ?

Mgr. Maroy Rusengo : Le danger existe en effet. On ­assiste à l’intimidation des gens et à leur manipulation, il y a aussi des massacres. Jusqu’à aujourd’hui, le Nord-Kivu n’a pas encore retrouvé la paix.

H&D : Et quant à la situation qui prévaut à Bukavu, la capitale du Sud-Kivu, dont vous êtes l’archevêque ? Est-elle meilleure ?

Mgr. Maroy Rusengo : Un peu. Les milices Hutu rwandaises dans les forêts du Sud-Kivu ont choisi une attitude plus calme que dans le passé. A la différence du Nord où les déplacés internes sont nombreux. C’est dans les territoires de Masisi et de Rutshuru situés au nord-ouest de Goma où la situation est dramatique. C’est la partie du Nord-Kivu sous contrôle de Laurent Nkundabatware, chef des groupes armés « rebelles » et de sa milice formée d’enfants soldats.

H&D : Nkundabatware est un général Tutsi. La devise sera-t-elle, une fois de plus, les Tutsi contre les Hutu, cette fois-ci sur le territoire congolais ?

Mgr. Maroy Rusengo : (sur un ton très décidé) Non. L’hostilité entre Hutu et Tutsi est une affaire purement rwandaise. Au Congo, il ne s’agit, à -aucun moment, de cela. La milice de Nkundabatware est d’ailleurs mitigée, elle se compose de miliciens d’origine Hutu, Tutsi et d’autres ethnies encore. Ce qui importe, sont les fonds mis à disposition pour payer les services en vue de la poursuite de cette guerre. Et là, le soutien arrive du Rwanda.

H&D : Dans le conflit actuel, quelles sont les parties qui interviennent ?

Mgr. Maroy Rusengo : D’un côté, ce sont les Forces armées de la RDCongo (FARDC) qui ont la mission de défendre les frontières et de protéger les populations civiles et leurs biens. Or, elles sont jeunes, à effectifs peu nombreux et elles sont encore inexpérimentées. De l’autre côté, il s’agit de la milice de Nkundabatware, un homme qui figure sur les avis de recherche des mandats internationaux. On a ensuite les milices rwandaises. Il s’agit précisément des réfugiés Hutu rwandais que le gouvernement actuel du Rwanda qualifie d’auteurs du génocide des Tutsi au Rwanda en 1994. C’est cela qui explique le déplacement massif, à cette époque, des Hutu rwandais sur le territoire de l’Est du Congo (Nord et Sud-Kivu) sous l’escorte des soldats français de l’opération dite « Turquoise », sous l’égide de l’ONU.

H&D : Qui est à l’origine de ces nouvelles incitations à la guerre ?

Mgr. Maroy Rusengo : C’est bien Laurent Nkundabatware et ses hommes ainsi que tous ceux qui les soutiennent. Ils refusent de se laisser brasser pour intégrer les nouvelles Forces armées régulières congolaises. Ils prétendent devoir protéger leur ethnie Tutsi minoritaire. Ils disent qu’ils sont menacés, marginalisés, discriminés. Tout cela est apparemment cousu de fil blanc, car après les élections, on a offert à toutes les milices de s’incorporer dans la nouvelle armée nationale. Toutes les milices étaient officiellement dissolues, c’est vrai, mais prêtes à intégrer progressivement et entièrement la nouvelle armée, sous le commandement unique des nouveaux chefs nommés à cet effet par hiérarchie. Il y a cependant lieu de souligner que les vrais enjeux de cette guerre sont les riches ressources naturelles des minerais du Kivu.

H&D : Y a-t-il des enfants soldats engagés dans les conflits ?

Mgr. Maroy Rusengo : Nkundabatware tente en vain de recruter des enfants congolais. Mais de toute façon, les enfants des Hutu rwandais vivant dans nos forêts, eux, ne connaissent rien d’autre que de tuer, de violer et de faire la guerre. Tôt ou tard, ces enfants-là finissent par s’enrôler dans les milices.

H&D : Pourquoi l’armée congolaise n’intervient-elle pas pour désarmer les milices ? La MONUC (Mission de l’Organisation des Nations Unies au Congo), avec un effectif de plus de 17 000 casques bleus, ne devrait-elle pas intervenir de manière plus efficace ?

Mgr. Maroy Rusengo : Les Forces armées congolaises n’existent que depuis un an, elles sont en train de se former. Je regrette que la MONUC soit réduite à une mission de pure observation. Elle devrait accomplir une tâche beaucoup plus ample. Or, par exemple, les milices Hutu rwandaises dans les forêts sont bien armées. La MONUC devrait empêcher la livraison d’armes et de munitions à ces gens. Ces milices Hutu rwandaises occupent des territoires congolais depuis plus de dix ans. La MONUC devrait les désarmer et les reconduire là d’où elles sont venues, c’est-à-dire au Rwanda.

H&D : D’autant plus que ces milices violent des femmes massivement et sauvagement, selon les sources même de l’ONU ?

Mgr. Maroy Rusengo : Il m’est difficile d’en parler. Je n’ai jamais compris ce qui se passe dans les cerveaux de ces gens-là. En 2004, à Bukavu, lors de l’invasion des milices du même Nkundabatware, nous avons été les témoins oculaires de ces atrocités. Les hommes de Nkundabatware ont fait irruption dans toutes les maisons de la ville de Bukavu, une après l’autre, en violant les femmes et les jeunes filles. Jour et nuit, systématiquement, dans la ville toute entière. C’était horrible. Au Sud-Kivu, la situation s’est un peu améliorée aujourd’hui. Mais partout où se trouve Nkundabatware, les violations massives des femmes font partie de sa tactique militaire, une tactique de guerre et une arme de guerre.

H&D : Une arme de guerre ?

Mgr. Maroy Rusengo : Les milices veulent en effet démoraliser et humilier nos filles, nos femmes, nos sœurs, nos mères. Leur but est de détruire notre communauté. Chez nous, les femmes, notamment les mères, jouissent d’un prestige énorme. Celui qui agresse la mère d’un fils ou d’une fille commet un grand crime. Cela humilie en même temps les hommes et les enfants, la famille en reste anéantie. Les femmes qui ont été violées sont rejetées de leur communauté. Celui qui détruit les femmes, détruit les familles et la société toute entière. Les femmes qui ont été violées sont socialement mortes. Il est exclu qu’elles rentrent dans leurs foyers familiaux. L’Eglise catholique et la société civile essaient d’apaiser et d’atténuer cette coutume traditionnelle, mais elle est ancrée profondément dans la conscience collective, et c’est exactement pour cela que les éléments des milices utilisent ce moyen des violations sexuelles. Ce n’est cependant pas la faute de ces femmes d’avoir été violées. Les ennemis du Congo exploitent l’interdiction formelle de telles pratiques dans nos coutumes sociales. C’est diabolique. Je ne sais pas qui a appris cela aux milices. On n’a jamais vu de telles choses auparavant chez nous. C’est importé du Rwanda.

H&D : Les femmes sont-elles souvent infectées par le virus du VIH/Sida ?

Mgr. Maroy Rusengo : Beaucoup de miliciens du Rwanda, de l’Ouganda et du Congo sont séropositifs ou atteints du sida. Cela veut dire que, par les violations massives des femmes, ils détruisent à long terme notre communauté. Le sida est, bien sûr, un cas de première importance qui nous menace.

H&D : Et quel rôle l’Eglise peut-elle jouer ?

Mgr. Maroy Rusengo : Nous avons toujours exigé que les armes et les munitions ne circulent plus librement au Congo. Comme d’ailleurs dans n’importe quel autre pays. Ensuite, nous nous occupons des victimes. Nous voulons leur donner de l’espérance, leur montrer qu’elles ne sont pas coupables des souffrances qu’elles ont subies. De plus, nous voulons soutenir celles qui s’engagent à s’organiser.

H&D : De quelle manière la Société civile est-elle capable d’aider ?

Mgr. Maroy Rusengo : La population du Sud-Kivu s’organise, pour que la vie privée reprenne normalement son rythme, car chez nous, beaucoup de choses qui devraient relever du Pouvoir public ne le sont plus, du moins pour le moment. L’Etat en est encore plus ou moins absent. Les écoles, la formation médicale, l’aide sociale, tout dépend chez nous d’organisations autonomes. On appelle cela la Société civile, une association à structure démocratique dotée d’un président. A la fin d’une guerre, lorsque l’Etat est faible et les structures détruites et inexistantes, il faut tout faire soi-même. La Société civile dénonce – grâce à sa grande vigilance – courageusement tout ce qui se passe sur le terrain et tout est soigneusement rapporté. Et ainsi, de manière systématique et continuelle, les rapports sur toutes les violations de femmes et de toutes atteintes aux droits de l’homme commises par les milices sont publiés. Dans le Sud-Kivu, ces travaux de rédaction des rapports sont particulièrement bien développés. Cela ne veut pas dire que dans les autres provinces il n’y ait pas de violences sexuelles ou d’autres ignobles crimes. Les autres provinces, notamment le Maniema, Province Orientale, Kasaï Oriental, Nord-Kivu et Tanganjika, sont tout aussi harcelées par les forces armées négatives rebelles qui commettent les mêmes crimes qu’au Sud-Kivu. Nous autres, au Sud-Kivu, nous disposons peut-être davantage de moyens de communication et d’information à travers les médias occidentaux et l’ONU.

H&D : Comment est-ce que la Société civile aide les femmes victimes de violations et leurs enfants ?

Mgr. Maroy Rusengo : Beaucoup de femmes sont tombées enceintes à la suite des violations. Or, les enfants qui en naissent sont les enfants de pères étrangers inconnus et donc des « enfants des ennemis » Cette situation constitue un grand dilemme pour les mères et représente une bombe à retardement pour la société congolaise. La Société civile a créé des centres d’accueil et d’écoute pour les femmes victimes des viols.
Dans ces centres, les victimes trouvent des femmes psychiatres ou psychothérapeutes auxquelles elles peuvent se confier. En effet, après s’être rendues compte de la nécessité de décharger leurs consciences des calvaires ­qu’elles ont injustement subis, il fallait ­qu’elles en parlent ouvertement à visage découvert et devant la camera. On a alors filmé les interviews de ces victimes avec leurs psychologues. Ces films documentaires sont les témoignages accablants et inédits sur les souffrances inhumaines de ces femmes. Les centres d’écoute et de détraumatisation offrent également aux victimes les soins médicaux, elles y reçoivent l’éducation et l’assistance nécessaires pour se débarrasser progressivement de leurs cauchemars. Les parties génitales de nombreuses femmes sont souvent complètement détruites, maltraitées par les violeurs avec des bâtons, des canons de revolvers etc. Beaucoup d’entre elles n’ont plus d’appareils de contenance, elles souffrent d’inflammations suppurantes, elles ont donc d’abord besoin d’un traitement chirurgical approprié.

H&D : Est-ce que vous recevez également un soutien provenant de Suisse ?

Mgr. Maroy Rusengo : Oui, nous sommes soutenus par la DDC (Direction du développement et de la coopération du département suisse des Affaires étrangères) et par des organisations d’aide privées. L’avantage d’un soutien officiel, c’est qu’avec des moyens financiers considérables on peut réaliser des programmes d’assistance d’une certaine importance mais à court terme avec la présence des fonctionnaires de la DDC. Ces derniers se retirent aussitôt le projet terminé et les crédits y afférents consommés. Quant aux projets d’aide privée, on a souvent à faire à des relations humaines à long terme avec la formation sur le tas du personnel local. Les deux formes d’aide se complètent quand même mutuellement.

H&D : Pourriez-vous mentionner un tel projet d’aide privée ?

Mgr. Maroy Rusengo : Le Great Lakes Forum International (GLFI) est une ONG de droit suisse. Elle a financé l’acquisition d’un tracteur avec accessoires pour les travaux agricoles. Ce travail sera réalisé par ADAR asbl (Assistance au développement agricole rural), une ONG de droit congolais spécialisée dans la multiplication et la sélection de semences de cultures vivrières. Dans une ferme-pilote à Kavumu près de l’aéroport de Bukavu, les travaux agricoles se feront mécaniquement grâce au tracteur et ses accessoires livrés par le GLFI. Cette ferme produira uniquement des semences naturelles. Il ne sera donc pas question de faire appel aux semences OGM (organismes génétiquement modifiés).
Jusqu’à présent nous n’avons à disposition que les semences dégénérées qui remontent à l’époque coloniale. Nous comptons sur les semences qui seront mises à disposition par ADAR asbl pour permettre aux paysans ­cultivateurs de récolter des produits vivriers à productivité élevée et partant, d’augmenter leurs revenus.
Pour les travaux légers sur les champs, le projet entend employer les femmes victimes des viols qui sont rejetées par leurs familles. Elles seront ainsi capables de redonner un sens à leur existence et de demeurer reconnaissantes à l’endroit de la société civile. En plus, elles trouveront suffisamment de nourriture. Les fonds investis sont modestes et, très important, nous avons pu établir, à travers ce projet, des contacts durables en Suisse.

H&D : Dans la lutte contre les violations sexuelles, où est-ce que vous situez votre engagement personnel ?

Mgr. Maroy Rusengo : Je ne fais que continuer l’œuvre entamée par mes éminents prédécesseurs. Tous les deux ont payé de leur vie leur engagement au service du peuple. Je ne suis archevêque que depuis une année. Dans le passé, j’ai été curé dans une paroisse à Bukavu et donc j’ai été témoin direct des viols et des pillages et j’ai ainsi vécu l’écroulement de nos tissus socio-économiques et la destruction de nos structures familiales.

H&D : Le Kivu regorge de ressources naturelles. On y trouve de l’or, des diamants, du coltan, de la cassitérite, du pyrochlore etc., et tout cela en énormes quantités. Ces matières premières arrivent en Europe, aux Etats-Unis …

Mgr. Maroy Rusengo : [interrompt] Je ne sais pas pourquoi les pays riches pillent un pays pauvre. Et de prétendre en même temps qu’un tel comportement soit légal. J’apprends qu’en Suisse, même le fait de posséder un chien est contribuable. Pourquoi donc personne ne veut accepter de payer les taxes relevées sur les minerais en provenance du Congo ? C’est simple : Vous n’avez qu’à respecter vos propres lois chez nous aussi. Les richesses du Congo ne seront pas réservées uniquement au Congo. Il faut les distribuer, mais de manière juste, s’il vous plaît. Nos matières premières sont à la base d’énormes profits réalisés chez vous. Il faut que nous y participions, sinon la misère durera pour toujours.


H&D : N’y a-t-il donc rien qui reste aux Congolais eux-mêmes ?


Mgr. Maroy Rusengo : Moins que rien. Les pays riches produisent des armes et les exportent dans nos pays. Arrivées là, elles sont utilisées pour tuer. Les pilleurs tuent en effet dans le but de continuer d’exploiter illégalement nos ressources naturelles, sans être dérangés dans leur sale besogne. Pour nous, en somme, il nous reste en effet moins que rien. J’attends davantage de justice de la Communauté internationale. Vous voulez nos ressources naturelles ? Pourquoi pas, mais à un prix équitable !

H&D : Excellence, une dernière question : Quelles sont vos attentes que vous adressez à la Suisse ?

Mgr. Maroy Rusengo : D’abord à la Suisse officielle, nous adressons nos remerciements pour le choix qu’elle a opéré de s’investir davantage dans les secteurs de santé et des droits de l’homme, à partir de 2008, dans notre province du Sud-Kivu.
Il y a un nombre important de Congolais qui vivent en Suisse. Je souhaiterais que beaucoup de ressortissants congolais de la diaspora s’engagent et aident à résoudre les grands problèmes chez nous, dans notre patrie. Les Congolais vivant à l’étranger et contribuant de manière exemplaire au développement de leur pays ne sont pas nombreux. Beaucoup de compatriotes ne font que se remplir les poches et se distraire. Au Congo, on a besoin de la contribution de chacun et chacune des citoyens congolais qui ont reçu une bonne formation et qui pourraient donc participer à la reconstruction et au développement du pays.
Si la Suisse s’engage davantage chez nous, elle sera cordialement la bienvenue. Cela est également valable pour les hommes d’affaires suisses qui sont attendus pour investir chez nous. Nous félicitons et encourageons l’organisation suisse qui s’occupe de leur sensibilisation et de leur encadrement.
Nous invitons aussi d’autres ONG suisses de venir chez nous s’ajouter à celles qui y sont déjà actives. La Suisse n’a jamais été une puissance coloniale, nous l’admirons en tant qu’Etat qui dispose de capacités financières considérables et qui s’engage pour la paix. La Suisse aide sans « agenda caché », au contraire des grandes puissances.

Propos recueillis par Joseph M. Kyalangilwa et ­Matthias Erne

voltairenet.org

Nicole Kidman lance un appel en faveur de la lutte contre les violences
faites aux femmes

AP | 23.04.2008 | 14:27
HTTP://TEMPSREEL.NOUVELOBS.COM/DEPECHES/CULTURE/20080423.FAP9931/NICOLE_KIDMAN_LANCE_UN_APPEL_EN_FAVEUR_DE_LA_LUTTE_CONT.HTML

Loin des plateaux de cinéma, Nicole Kidman entend pleinement jouer son rôle d'ambassadrice du Fonds de développement des Nations unies pour la femme UNIFEM). Avec passion et conviction, l'actrice, bientôt maman, a exhorté les dirigeants du monde et les citoyens ordinaires à se mobiliser contre les violences faites aux femmes.

"Une femme sur trois" va être victime de "violence sous une forme ou une autre" au cours de sa vie, a souligné mardi la star australienne âgée de 40 ans au siège de l'ONU à New York. Autant dire une statistique "inouïe", qui ne représente cependant pour l'UNIFEM que la partie émergée de l'iceberg. Nicole Kidman a été nommée ambassadrice de bonne volonté de l'UNIFEM en janvier 2006. D'après Joanne Sandler, directrice exécutive par intérim de l'agence onusienne, l'actrice souhaitait se pencher sur une question "où elle pourrait faire la différence". Ensemble, elles ont choisi le thème de la violence contre les femmes qui, aux yeux de Nicole Kidman, constitue "la violation des droits humains la plus épouvantable et la plus répandue de notre temps". Et c'est dans le cadre de cet engagement que l'actrice s'est jointe mardi à Joanne Sandler, à la vice-secrétaire générale de l'ONU Asha-Rose Migiro et au président de la Fondation de l'ONU Timothy Wirth pour promouvoir la campagne intitulée "Dites NON à la violence contre les femmes", qui doit durer un an. Depuis son lancement le 26 novembre, quelque 210.000 personnes ont apposé leur nom sur un livre "virtuel" appelant sur Internet les dirigeants du monde à mettre fin à l'impunité des auteurs de ces violences, à proposer une aide aux victimes et, surtout, à investir dans la prévention, a expliqué Joanne Sandler.

"Nous commençons à voir des décideurs s'engager", a-t-elle expliqué. "Tout le gouvernement sénégalais, dirigé par le président (Abdoulaye) Wade, s'est engagé en faveur de la campagne en mars". Nicole Kidman a exhorté l'ensemble des citoyens à ajouter leur nom et demandé que "l'arrêt des violences contre les femmes devienne l'une des premières priorités des gouvernements". Interprète aux Nations unies dans un film de Sydney Pollack en 2005, l'actrice a également encouragé le secteur privé à contribuer au Fonds d'affectation spéciale de l'ONU pour mettre fin à ces violences.

Soulignant que la question était "toujours enveloppée de honte et de silence", la star a estimé que si des Parlements procédaient à des signatures publiques en faveur de la campagne, elle serait prête, en dépit de ses sept mois de grossesse, à "monter dans un avion et aller dire merci" et à susciter "toute l'attention qu'elle peut". Nicole Kidman, qui s'est mariée en 2006 avec le chanteur de country Keith Urban, attend son premier bébé. La star a déjà deux enfants adoptés avec son premier époux, l'acteur Tom Cruise.

Nicole Kidman a-t-elle fait la "différence", comme elle le souhaitait? Depuis qu'elle est engagée, les ressources du Fonds d'affectation spéciale ont "plus que triplé", atteignant 15 millions de dollars (9,42 millions d'euros), selon Joanna Sandler: "Je ne pense pas que ce soit une coïncidence", a-t-elle estimé. Tout en jugeant ce montant encore bien trop faible. En janvier, la Fondation de l'ONU avait déclaré qu'elle ferait don d'un dollar au Fonds pour chacune des 100.000 premières signatures, l'objectif étant d'atteindre les dix millions. Et, mardi, la directrice de l'UNIFEM a fait état de progrès: 89 pays ont des lois sur la violence conjugale, plus de 100 ont fait du viol un crime, 90 ont pris des dispositions contre le harcèlement sexuel et 93 contre le trafic d'êtres humains. AP

lien pour aller signer http://www.saynotoviolence.org/