mardi 10 juin 2008

La Justice demande plus de moyens pour mieux lutter contre les violences sexuelles

Jean-Tobie Okala / MONUC 10 juin. 08 - 17h32

Le Représentant spécial du Secrétaire général des Nations Unies pour la RDC l’a dit à Mbandaka le 8 mai dernier: le temps de la guerre armée est derrière nous, place maintenant à la guerre pour le développement du Congo. Mais à l’Equateur, cette lutte pour développer l’une des trois provinces les plus pauvres du Congo est minée par un fléau des temps modernes dont on ne parle pas assez: les violences sexuelles. Il ne se passe pas un jour sans qu’une femme de 60 ans, une fillette de 9 ans ou plus ne soit violée.

La guerre est pourtant terminée; mais cette barbarie perdure, et les auteurs de ces «crimes» sont rarement inquiétés. Pas toujours à cause de l’impunité que tout le monde dénonce, mais en raison de la complexité même de la problématique. Tous les professionnels de la Justice ne sont pas outillés pour y faire face, en plus du poids des coutumes et de la tradition, ou encore de la «loi de l’omerta» qui fait peser une véritable chape de plomb sur ce type d’affaires. C’est pour (tenter de) briser ce cercle infernal qu’il s’est tenu à Mbandaka du 5 au 9 juin 2008 un séminaire sur les enquêtes des infractions à caractère sexuel.

Ce séminaire s’adressait aux acteurs judiciaires venus des quatre coins de la Province de l’Equateur (Mbandaka, Boende, Gemena, Gbadolite et Lisala), notamment des magistrats et inspecteurs de la police judiciaire militaire; quelques membres de la Police civile de la MONUC s’étaient également joints à eux. Organisé par l’Institut des Etudes juridiques internationales de la Défense de l’armée américaine (DILS) par le biais du Département d’Etat américain, le séminaire a aussi bénéficié de l’appui du Ministère congolais de la Défense nationale et de la MONUC.

Pendant cinq jours, la trentaine de participants a planché sur la définition même du terme «violence sexuelle», ses conséquences sur la santé physique, mentale, sexuelle et sur la reproduction de la victime, les méthodes d’enquête... Plus globalement, il s’agissait pour les organisateurs de vulgariser les lois sur les violences sexuelles, d’initier les inspecteurs de la police judiciaire militaire aux méthodes efficaces d’enquête et enfin de fournir une documentation appropriée aux groupes cibles.

A l’aide de supports visuels, certains formateurs n’ont pas hésité à illustrer leurs propos par des diapositifs d’appareils génitaux féminins, par exemple celui d’une femme criblée de balles après un viol, ou encore des images de fistules vaginales consécutives au viol d’une femme de 72 ans!

Naturellement, la lutte contre l’impunité a aussi été au cœur de ce séminaire: souvent les victimes des violences sexuelles accusent la justice d’impunité, du fait que leurs auteurs sont rarement punis conformément à la loi. Une fois arrêtés, ils se retrouvent le lendemain dans la rue. Quand bien même ils sont arrêtés, les autorités militaires sont accusées de favoriser leurs évasions.

Mais selon le colonel Toussaint Muntazini, Avocat Général près la Haute Cour militaire et formateur, la réalité est parfois plus compliquée qu’il n’y parait: l’impunité est parfois due au fait que les acteurs judiciaires ne disposent pas toujours des moyens de leurs politiques. Ils manquent des moyens de déplacement pour accéder au lieu des infractions. Ils n’ont pas de moyens techniques pour investiguer, notamment pour des tests ADN par exemple. Ils doivent bénéficier de l’expertise médicale, pourtant il y a des endroits où il n'y a pas de structures médicales. Mais il reconnaît toutefois qu’il y a effectivement d’autres facteurs liés à la structure même de l’armée qui favorisent l’impunité. Certains commandants des unités protègent souvent leurs hommes auteurs de ces actes.

Satisfaits de ce «plus» dans leur expérience, les participants ont cependant formulé quelques recommandations à l’issue de la formation. Tous ont été unanimes à reconnaître qu’il n’y aura pas de vraie riposte judiciaire contre les violences sexuelles en RDC sans la mise à disposition des magistrats de moyens matériels et financiers conséquents; ils demandent aussi que ce type de formation se répète, mais en impliquant chaque fois et davantage les commandants des unités de l’armée en leur qualité d’auxiliaire de la justice. Enfin, les participants préconisent également de sensibiliser les troupes aux lois sur les violences sexuelles en langues locales, et d’impliquer les médecins et psychologues dans la prise en charge des victimes.

Pour sa part, l’Avocat général près la Haute Cour militaire a remercié la MONUC pour son appui et sa mobilisation: car a-t-il dit, «ce que j’ai vu ici à Mbandaka ne s’est jamais vu ailleurs: preuve de l’intérêt que la MONUC attache à la justice». Il ne reste plus qu’à espérer, comme le Chef de Bureau de la MONUC l’a souhaité, que la lutte contre les violences sexuelles soit dorénavant plus efficace et mieux menée à l’Equateur que jusque-là. A voir.

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