lundi 11 mai 2009

Formation en aide psychosociale pour soutenir les victimes de violences basées sur le genre

Source: Multi-country demobilization and reintegration program

Date: 10 May 2009 A&N no. 5

Le projet d'Apprentissage pour l'égalité, l'accès et la paix (LEAP de son sigle anglais) a financé une formation pour le traitement des troubles liés aux traumatismes chez les victimes de violences basées sur le genre.

Pendant trois semaines de janvier à février 2009, trente et un hommes et femmes congolais ont reçu une formation en aide psychosociale sur les traumatismes par un groupe de cinq experts financés par le programme LEAP du MDRP.

Les participants – des travailleurs sociaux ou de la santé, et même des docteurs – ont été choisis dans des hôpitaux et centres de santé de l'est de la République Démocratique du Congo (RDC) où la population civile a été la plus touchée par les conflits prolongés et la violence de la dernière décennie s'y rapportant.

Dans cette région, les services de santé mentale pour la population locale, surtout pour les victimes de violences liées au genre, sont presque inexistants. Il n'y a aucun psychiatre local dans les Kivus. Les infirmières et les travailleurs sociaux sont surchargés de travail et n'ont pas accès aux formations appropriées pour pouvoir donner un soutien psychologique.

L'horrible héritage de la guerre

En RDC, le viol a souvent été utilisé comme une arme de guerre. Dans les provinces de l'est, les histoires de viol contre des femmes ou des enfants, et de plus en plus contre les hommes, sont monnaie courante. La tranche d'âge des victimes s'accroit, car sont visés non seulement les jeunes filles et les femmes, mais aussi les enfants et les femmes âgées.

Il est impossible d'estimer l'étendue des violences liées au genre en RDC car il y a peu de plaintes, les victimes manquant d'accès aux structures appropriées, ayant honte ou peur de représailles. Mais depuis le début de la guerre, il est probable que le nombre de victimes approche les centaines de milliers.

Le soutien aux victimes de violences liées au genre doit à la fois traiter l'impact psychologique ainsi que la question du retour des victimes dans leurs communautés, où elles sont souvent stigmatisées (rejet par leur mari et leur communauté, rejet des enfants nés des viols). Ce n'est qu'avec cette approche combinée que les victimes peuvent retrouver une vie normale.

Stagiaires-patients

A Bukavu, les participants et les formateurs se sont rencontrés tous les jours pendant trois semaines. Ont eu lieu des cours théoriques (comment le cerveau fonctionne-t'il ? qu'est ce que le syndrome de stress post-traumatique - SSPT ? comment le traitement se passe-t'il étape par étape ?) et des exercices pratiques. Ce qui d'habitude s'apprend par des jeux de rôles était ici bien ancré dans la réalité. En effet, la plupart des participants exhibaient eux-mêmes des symptômes de traumatismes, de la dépression à la névrose traumatique.

« Nous allions travailler dans l'est de la RDC, où les conflits durent depuis des années. Donc je savais qu'il y aurait sans doute quelques participants qui auraient des symptômes traumatiques. Mais je ne savais pas que presque tous seraient dans cette situation. Le seul autre endroit où j'ai vu tant de problèmes psychologiques chez les participants était Kabul » dit Dr. Elisabeth Schauer, l'une des cinq formatrices.

Une "ligne de vie" de fleurs et de pierres

La plus grande part de la formation était consacrée à la thérapie narrative par exposition (TNE – voir encadré ci-dessous). Ce traitement, qui cible directement le traumatisme, est court –pas plus de 10 séances- et vise à aider les patients à réduire de façon significative le SSPT et à fonctionner de nouveau normalement au quotidien. La peur ou la tristesse extrêmes qui peuvent être ressenties durant un événement traumatique change la structure et le fonctionnement de certaines parties du cerveau où notre mémoire autobiographique est emmagasinée. En revivant ces événements durant les séances de thérapie, la « structure de peur » de la mémoire est détruite et la guérison peut commencer.

Le traitement est représenté visuellement par une corde (la vie), et par des fleurs et des pierres placées par le patient à différents intervalles sur la corde pour représenter les événements les plus importants de leur vie. Les fleurs représentent les épisodes joyeux (naissance, école) et les pierres symbolisent les expériences tristes ou effrayantes (mort d'un proche, peur extrême, viol).

" Les participants qui passent eux-mêmes par cette forme de thérapie deviennent les meilleurs praticiens » ajoute Schauer. « Cette forme d'enseignement est très efficace chez les adultes, car ils ont besoin d'apprendre non seulement la théorie mais aussi en guérissant les épisodes douloureux de leur propre passé. Les symboles reçoivent tous une date, un nom et un lieu, et la corde devient alors la 'carte' à suivre pour la thérapie. Le plus de temps est consacré aux pierres les plus grosses, qui représentent les évènements traumatisants. »

Les participants ont aussi appris à dépister le SSPT et les autres troubles traumatiques, et ont acquis des compétences essentielles d'aide psychosociale.

A la fin des trois semaines de formation, en plus de l'évaluation des participants pendant les exercices pratiques, ceux-ci ont aussi passé un examen théorique pour s'assurer qu'ils étaient prêts à mettre en pratique ce qu'ils avaient appris.

Visites de soutien régulières

Peu de temps après la fin de l'apprentissage, les formateurs on rendu visite aux participants sur leur lieu de travail pour les aider dans d'autres aspects de l'aide psychosociale aux victimes de traumatismes, par exemple pour déterminer comment enrôler les patients et comment garantir un diagnostic sûr. Ceci est essentiel pour que la meilleure option de traitement soit choisie.

En mars, les formateurs sont retournés en RDC pour voir de nouveau les participants et s'assurer qu'ils parvenaient à remplir leur nouveau rôle de thérapeutes. Ils en ont encouragé certains à travailler à deux, l'un écoutant le patient et le deuxième prenant des notes.

Enfin, une récente visite a eu lieu fin avril. Ce suivi est important car il a permis aux formateurs de répondre aux questions auxquelles les participants avaient été confrontés en pratiquant la TNE. De plus, le suivi a permis de garantir le soutien des différentes institutions et organisations impliquées dans les services de santé mentale.

Schauer explique : « Tous ceux qui ont participé à la formation ont déjà un travail. C'est bien, parce que cela leur assure un revenu régulier, mais nous voulons aussi nous assurer que leurs descriptions de poste soient ajustées pour leur permettre de passer environ 50% de leur temps en soutien psychosocial. Ils ont besoin d'utiliser leurs nouvelles compétences pour les maintenir à bon niveau, mais nous ne voulons pas qu'ils le fassent en dehors du travail. C'est une occupation difficile qui demande beaucoup d'énergie à la fois chez le patient et chez le thérapeute. »

Les résultats de ce projet seront analysés en vue d'une expansion possible à d'autres localités. L'équipe du projet veut aussi explorer les liens entre le soutien psychosocial aux traumatisés et le soutien au rétablissement socioéconomique.

Le syndrome de stress post-traumatique etla thérapie narrative par exposition

Le syndrome de stress post-traumatique (SSPT) est un trouble d'anxiété qui peut se produire chez une personne ayant vécu un événement traumatique. « Traumatisme » est dérivé d'un mot grec signifiant « blessure de l'âme ». La psychologie clinique définit le traumatisme psychologique comme l'expérience et l'impact psychologique d'événements graves au cours desquels la victime a peur pour sa vie et qui ont des effets si néfastes que la victime est horrifiée et se sent sans défense pendant et peu de temps après l'événement.

Après le traumatisme, les victimes ont souvent des souvenirs bouleversants de ce qui s'est passé, ont du mal à dormir, se sentent anxieuses ou nerveuses, ou bien ne trouvent plus d'intérêt aux choses qu'elles aimaient auparavant. Pour certains, ces réactions ne disparaissent pas et peuvent même empirer avec le temps. Ceux-là souffrent du symptôme de stress post traumatique (SSPT).

Le SSPT modifie le fonctionnement du cerveau de ceux qui en souffre. Le stress provenant d'un traumatisme peut fortement endommager le cerveau (au point d'être visible sur un scanner).

Les traitements basés sur l'exposition et les thérapies cognitivo-comportementales sont les moyens les plus efficace de traiter le SSPT.

La thérapie narrative par exposition (TNE) trouve ses racines dans la thérapie cognitivo-comportementale, la thérapie d'exposition et la thérapie de témoignage. Elle les adapte pour les populations vivant en milieu pauvre et qui ont du faire face à de multiples traumatismes. C'est une option de traitement pratique et basée sur les faits qui englobe les théories psychologiques actuelles et les approches de traitement du SSPT, et qui permet de disséminer cette approche aux thérapeutes non-spécialistes.

Le thérapeute de TNE prend part à l'histoire du patient en exprimant et en imitant les sensations, le comportement et les détails du passé dans le présent. Il accompagne pleinement la victime à tous les niveaux (sensoriel, cognitif, physiologique, émotionnel). Son état d'esprit peut être décrit comme empathique et sans jugement, comme dans les thérapies humanistes. Cependant il guide le patient pour l'amener à confronter les moments de peur tout en racontant son passé.

En plus d'atténuer les symptômes de traumatisme, la TNE produit un document qui représente la biographie du patient – ses expériences de perte, de peur, d'anxiété, de joie et d'espoir. Les expériences positives font prendre conscience au patient de ses propres ressources stratégies d'adaptation.

L'efficacité de la TNE a été confirmée dans plusieurs groupes cibles, notamment les réfugiés enfants et adultes en Europe et dans différentes régions d'Afrique, les enfants et adultes en Asie après les conflits et le tsunami, les ex-combattants en Somalie, les veuves et orphelins du génocide rwandais, et les enfants soldats du nord de l'Ouganda.

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