lundi 25 février 2008

Distinguée par la France, une ONG suisse amène la justice au Congo

Vivere/Jess Hoffman

Au Sud-Kivu, dans l'est du pays, Vivere organise des procès dans des régions reculées pour permettre aux victimes de tortures et de violences sexuelles de trouver justice

Isolda Agazzi, Infosud - 23/02/2008 Le Matin Dimanche

En cette matinée de décembre, une grande foule se presse autour de la place Centrale de Baraka, dans le Sud-Kivu. La journée est historique: pour la première fois, sur ces hauts plateaux à trois jours de piste de la capitale régionale, Bukavu, des militaires suspectés des pires exactions vont être jugés par un tribunal. En République démocratique du Congo, près de 4 millions de personnes sont mortes en six ans et des dizaines de milliers de civils sont victimes de tortures, de violences sexuelles et de rapts. Dans 99% des cas, les responsables sont des militaires qui restent presque toujours impunis. Mais aujourd'hui c'est le tribunal militaire in corpore qui a fait le déplacement pour cet exceptionnel procès de brousse.

«Depuis 2006, nous avons organisé trois Chambres foraines et la prochaine est prévue dans quelques jours», explique Mike Hoffman, président de Vivere, association lausannoise à l'origine de l'initiative. Un combat pour la justice qui a valu à l'ONG de recevoir, le 11 janvier dernier à l'ambassade de France à Berne, la médaille du Prix 2007 des droits de l'homme de la République française.

«A ce jour, une vingtaine de militaires ont été jugés et condamnés à des peines allant jusqu'à vingt ans de prison», explique le responsable de l'ONG. Même si la peine capitale est prévue par le Code pénal militaire congolais, une entente a été conclue avec les autorités pour qu'aucune condamnation à mort ne soit instruite lors des opérations soutenues par Vivere. La plupart des prévenus sont des multirécidivistes qui faisaient régner la terreur dans toute la région. «Aujourd'hui, ça commence à changer», se réjouit-il.

Dissuasion et prévention
Ce militant de longue date, ancien collaborateur de Terre des hommes, en est convaincu: juger les suspects là même où ils auraient commis les crimes sert à lutter contre l'impunité. Preuve que même dans les zones les plus reculées personne n'échappe à la justice. Et à l'entendre l'impact est spectaculaire: «C'est impressionnant de voir 300 personnes se passionner deux jours durant pour les délibérations de la cour, d'autant que les criminels sont souvent connus. Pour la population, c'est le déclassement de maîtres sanguinaires.»

Selon lui, la donne est en train de changer dans la région et même les militants de son association partenaire sur le terrain osent plus s'affirmer face aux militaires. Pour preuve, il évoque le cas d'une fille de 14 ans enlevée par un militaire qui en avait fait son esclave sexuelle. «Nous sommes allés la chercher directement chez lui et l'avons ramenée à ses parents, sans nous laisser impressionner par ses intimidations.» Car les autorités, même civiles, commencent à comprendre qu'elles ne sont pas au-dessus des lois. «J'ai été accosté par le commandant de police responsable de toute la région qui m'a avoué à demi-mot que ses hommes aussi, de temps en temps, commettent peut-être des bavures. Pour les prévenir, nous avons conçu ensemble un programme de formation aux droits de l'homme pour les policiers, qui va se tenir fin mars.» Pour effectuer ce travail pionnier, Vivere s'appuie sur l'Union congolaise pour la promotion des droits de l'homme, une minuscule ONG locale dirigée par un avocat, Samy Mukombozi, qui négocie avec les juges militaires, les procureurs et les magistrats. Quant aux avocats de la défense, Vivere met un point d'honneur à payer leurs frais.

Aucun commentaire: