vendredi 30 novembre 2007

RÉSOLUTION sur la situation en République démocratique du Congo, en particulier dans l’Est du pays et son impact sur la région

ASSEMBLÉE PARLEMENTAIRE PARITAIRE ACP-UE
APP/100.174/07/déf.


RÉSOLUTION1

sur la situation en République démocratique du Congo, en particulier dans l’Est du pays et son impact sur la région

L’Assemblée parlementaire paritaire ACP-UE,
réunie à Kigali (Rwanda) du 19 au 22 novembre 2007,
vu l’article 17, paragraphe 2 de son règlement,


vu ses résolutions antérieures sur la République démocratique du Congo et la région des Grands lacs,

vu les résolutions du Conseil de Sécurité des Nations unies sur la situation en République démocratique du Congo et les rapports mensuels du Secrétaire général des Nations unies à ce sujet,

vu la résolution du Parlement européen du 15 décembre 2004 sur la situation à l’Est de la République démocratique du Congo2,

vu le Pacte sur la sécurité, la stabilité et le développement dans la région des Grands lacs signé le 16 décembre 2006 à Nairobi, au Kenya, par les chefs d’État et de gouvernement des pays de la région des Grands lacs,

vu la Convention internationale des droits de l’enfant du 20 novembre 1989 qui interdit notamment l’implication d’enfants dans les conflits armés,

vu le rapport de la mission de l’Assemblée parlementaire paritaire ACP-UE sur l’observation des élections présidentielle et législatives en R.D.C. des 30 juillet et 29 octobre 2006,

vu l’action commune du Conseil concernant la mission de l’Union européenne visant à fournir conseils et aide dans le cadre de la réforme du secteur de la sécurité en R.D.C.,

vu le processus de Kimberley dont l’objectif est de mettre un terme à la circulation des diamants des conflits et d’améliorer la gouvernance dans les pays riches en ressources naturelles, grâce à la vérification et à la publication intégrale de tous les paiements opérés

1 Adoptée par l’Assemblée parlementaire paritaire ACP-UE le 22 Novembre 2007 à Kigali (Rwanda) 2 JO C 226E, 15.9.2005, p. 359.

par les compagnies et des revenus tirés par les gouvernements du pétrole, du gaz et des produits miniers,

A. considérant que de nombreuses années de conflit armé ont fait environ 4 millions de victimes directes et indirectes et provoqué le déplacement d’au moins 1,5 million de personnes, dont une majorité de femmes et d’enfants, ainsi que la destruction des infrastructures socio-économiques de la R.D.C.,

B. rappelant avec inquiétude que depuis la fin de l’année 2006, environ 300.000 personnes vivant dans la province du Nord-Kivu ont dû quitter leurs foyers en raison des combats opposant les forces armées régulières de la R.D.C aux troupes rebelles du général déchu Laurent Nkunda et aux autres groupes armés, portant ainsi le nombre total de déplacés à 800.000 personnes,

C. vivement préoccupée par l’escalade de la violence, les violations massives des droits de l’homme, les viols et autres formes de violence sexuelle contre les femmes à l’Est de la R.D.C., plus particulièrement dans les provinces du Nord et Sud-Kivu,

D. profondément préoccupée par la persistance et l’augmentation du recrutement des enfants-soldats à l’Est de la R.D.C. par des milices armées,

E. préoccupée par la situation d’insécurité quasi-permanente à l’Est de la R.D.C, laquelle rend impossible la distribution des denrées alimentaires et des produits de première nécessité, tels que les médicaments, aux populations civiles par les organisations humanitaires,

F. considérant que la présence des groupes armés étrangers –dont les ex-Forces armées rwandaises (ex-FAR)/Interahamwe (Forces démocratiques de libération du Rwanda – FDLR) qui continuent de commettre impunément des atrocités, dont le meurtre, le viol, la torture, le pillage, force ainsi des civils innocents à se déplacer dans l’Est de la R.D.C. et dans les pays voisins - ce qui constitue une menace pour la sécurité, la stabilité et le développement économique de ce pays,

G. considérant que la persistance des conflits armés et des groupes armés irréguliers dans la région des Grands lacs constitue une menace sérieuse pour la paix, la stabilité, la démocratie et le développement dans cette région; considérant qu’elle compromet la coopération entre les États de la région et annule les efforts de la communauté internationale en faveur de l’émergence dans cette région d’États démocratiques, prospères et forts, ainsi que de l’amélioration des conditions de vie de leurs populations respectives,

H. considérant qu’il s’impose, en conséquence, de prendre toutes les mesures requises pour mettre fin à ces conflits, démanteler ces groupes armés et prévenir tout conflit à venir, afin de consolider la paix et la démocratie, de promouvoir la stabilité et le développement dans la région pour le bien-être de tous les peuples de la région des Grands lacs et de permettre aux institutions légitimes de la R.D.C. de se consacrer à la reconstruction de leur pays détruit par des guerres récurrentes,

I. considérant que la paix et la sécurité, tant en R.D.C que dans la région des Grands lacs, ne peuvent être obtenues qu’en mettant fin à la menace créée par les groupes armés étrangers et nationaux en R.D.C et leurs organisations politiques, ainsi que par le
désarmement total de tous les groupes paramilitaires livrés à eux-mêmes dans cette région,


J. considérant que la Cour pénale internationale (CPI) enquête sur les crimes qui auraient été commis en R.D.C depuis 2004,

K. considérant les engagements pris à Kigali, le 28 août 2007, par les parties au sommet de la « Tripartite Plus », les chefs des armées de la R.D.C., du Rwanda, de l’Ouganda et du Burundi et, le 16 septembre 2007, par les ministres des affaires étrangères de ces pays, en vue de chercher la paix en neutralisant les forces armées rebelles se trouvant sur leurs territoires respectifs ; considérant également la Déclaration conjointe des ministres des affaires étrangères de la R.D.C. et du Rwanda faite à l’issue de la réunion de Kinshasa des 3 et 4 septembre 2007,

L. considérant que le Communiqué conjoint des gouvernements de la R.D.C. et du Rwanda sur une approche commune pour mettre fin à la menace pour la paix et la stabilité des deux pays et de la région des Grands lacs signé, le 9 novembre 2007, par les ministres des affaires étrangères des deux pays grâce à la médiation des Nations unies et en présence des représentants des États-Unis d’Amérique et de l’Union européenne, trace des perspectives nouvelles de paix et de coopération entre les États de la région,

M. considérant que le Président de la R.D.C, Joseph Kabila, et celui de l’Ouganda, Yoweri Museveni, se sont rencontrés en Tanzanie en septembre 2007 pour établir une force militaire mixte soutenue par les Nations unies afin de déloger les rebelles de l’Armée de résistance du Seigneur (ARS-LRA) impliqués dans la déstabilisation de la région et de mettre sur pied des initiatives conjointes pour l’exploration des champs de pétrole,

N. considérant que la R.D.C regorge d’importantes ressources naturelles minières, forestières et autres dont l’exploitation rationnelle et efficace est essentielle pour son développement économique et social,

O. considérant l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives (ITIE) à laquelle la R.D.C a adhéré,

P. considérant la décision du gouvernement de la R.D.C. de revoir les contrats miniers et forestiers signés pendant la période de guerre et de transition,

Q. considérant que la nouvelle constitution adoptée le 18 décembre 2005 par le peuple congolais offre la base solide nécessaire pour construire un État de droit et une société réellement démocratique,

R. considérant que les élections présidentielles et législatives multipartites qui se sont déroulées en R.D.C les 30 juillet et 29 octobre 2006 ont redonné à la population l’espoir d’une nouvelle ère de paix, de stabilité et de prospérité après plusieurs années de dictature et de guerre;

considérant que des élections municipales et locales sont en cours d’organisation,
S. considérant que tous les citoyens congolais ont droit à une égale protection des pouvoirs publics, notamment en matière de sécurité, aussi bien en ce qui concerne leur intégrité physique que leurs biens,


T. considérant que le Parlement congolais vient de voter la loi sur le statut de l’opposition politique en R.D.C. afin de renforcer la démocratie et la place de l’opposition politique dans la gouvernance du pays,

1. engage toutes les forces participant aux combats à l’Est de la R.D.C à respecter les droits de l’homme et le droit international humanitaire, à cesser toute attaque contre les civils et à permettre aux agences humanitaires de venir en aide aux populations civiles éprouvées;
2. demande que les auteurs des violations des droits de l’homme, des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité, des violences sexuelles contre les femmes et du recrutement d’enfants-soldats soient dénoncés, identifiés, poursuivis et punis conformément au droit national et au droit pénal international;


3. invite le gouvernement de la R.D.C et les agents de la Mission de l’Organisation des Nations unies au Congo (MONUC) à garantir un niveau approprié de sécurité aux membres des organisations humanitaires;

4. demande aux gouvernements des pays de l’UE et ACP, au Conseil de l’UE, à la Commission, aux Nations unies et à l’Union africaine de mettre tout en oeuvre pour apporter une aide efficace à la population de l’Est de la R.D.C et contribuer à faire face à la catastrophe humanitaire;
5. exprime sa préoccupation la plus vive quant à la situation et au nombre des déplacés internes et des réfugiés qui se trouvent encore dans les pays voisins et invite les autorités de la R.D.C et des pays d’accueil à faire tout ce qui est en leur pouvoir pour permettre le retour en toute sécurité des réfugiés congolais, en particulier en coopérant pleinement avec des partenaires tels que le Programme alimentaire mondial des Nations unies (PAM) et le Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR);


6. invite la Commission européenne et le Conseil à préparer, avec la coopération des ONG et du gouvernement de la R.D.C, un programme humanitaire en faveur de la R.D.C, en se donnant pour objectif d’apporter une assistance médicale accrue et améliorée aux Congolais;
7. demande à la Commission européenne d’apporter son soutien, y compris financier, à l’organisation d’une conférence de pacification au Kivu, faisant participer la population à la recherche de solutions durables;


8. prend bonne note des engagements réciproques pris par le Burundi, la R.D.C, l’Ouganda et le Rwanda et en particulier du Communiqué conjoint signé par les gouvernements du Rwanda et de la R.D.C., à Nairobi, le 9 novembre 2007, en vue de trouver une solution concertée et durable aux problèmes de sécurité dans la région, et en félicite les parties;

9. exhorte toutes les parties au respect strict des engagements pris et demande à l’Organisation des Nations unies, à l’Union européenne, à l’Union africaine, aux partenaires des États concernés ainsi qu’aux Amis de la région des Grands lacs d’appuyer fortement et activement les efforts de mise en oeuvre de ces engagements et du Pacte sur la sécurité, la stabilité et le développement dans la région des Grands lacs;

10. exhorte le gouvernement de la R.D.C., avec l’appui de la MONUC – dont les moyens doivent être renforcés – et conformément au point 9 (b) du Communiqué conjoint du 9 novembre 2007, à « lancer d’urgence des opérations militaires pour démanteler les ex-FAR/Interahamwe comme organisation génocidaire-militaire » et à traduire en justice les présumés coupables du crime de génocide et d’autres crimes contre l’humanité, ces opérations devant « être conduites simultanément avec les opérations de démantèlement des autres groupes armés illégaux au Nord et au Sud Kivu »;

11. se félicite de la volonté exprimée les 3 et 4 septembre 2007 par le Rwanda et la R.D.C., au cours de la rencontre de leurs ministres des affaires étrangères à Kinshasa, de normaliser leurs relations bilatérales, et encourage ces pays dans cette voie;

12. demande à tous les États signataires du Pacte sur la sécurité, la stabilité et le développement dans la région des Grands lacs de ratifier celui-ci et de l’appliquer pleinement;

13. demande que des efforts soient déployés tant au niveau national qu’international afin de renforcer l’État de droit en R.D.C., en particulier dans les domaines de la gouvernance et de la sécurité;

14. appelle à la restauration et au respect de l’autorité de l’État dans tout le pays, ce qui suppose le désarmement de toutes les milices;

15. demande à la communauté internationale, y compris aux États membres de l’UE et aux pays ACP, de respecter leurs promesses de coopérer avec la R.D.C et d’aider à stabiliser l’Est du pays;

16. demande aux Nations unies, à l’Union européenne, à l’Union africaine et aux autres partenaires de la R.D.C. de continuer à appuyer les efforts des autorités de ce pays visant à opérer la réforme de l’armée, de la police, des services de sécurité et de la justice, afin de restaurer l’État et son autorité, éléments essentiels pour la consolidation de la paix et de la sécurité, aussi bien dans le pays que dans la région des Grands lacs;

17. se félicite de l’établissement en R.D.C d’institutions démocratiquement élues et appelle les dirigeants de ce pays à prendre toutes les initiatives nécessaires en vue de consolider la démocratie et d’assurer la participation de toutes les forces vives de la nation congolaise à la gouvernance du pays selon les règles constitutionnelles;

18. se félicite de l’adoption par le Parlement de la R.D.C de la loi portant statut de l’opposition politique et appelle à la promulgation rapide de celle-ci ainsi qu’à son application intégrale;

19. demande le soutien de l’UE et de la communauté internationale à la tenue des élections municipales et locales congolaises initialement prévues en 2007, dernière étape du processus électoral congolais;

20. prend note de la décision de revoir les contrats de l’exploitation minière et forestière signés pendant la période de guerre et de transition en vue de leur renégociation, et demande au gouvernement de la R.D.C. de mettre en place des mécanismes transparents de gestion des ressources naturelles qui permettent au Parlement ainsi qu’à la société civile de formuler des propositions à prendre en compte dans l’intérêt de la population congolaise;

21. considère que l’accès, le contrôle démocratique et la redistribution équitable des richesses naturelles de la R.D.C à l’ensemble de sa population sont indispensables au développement durable du pays;


22. invite la Commission européenne et le Conseil de l’UE à renforcer la coopération actuelle avec le gouvernement de la R.D.C dans le domaine du contrôle de l’exploitation des ressources naturelles;

23. charge ses coprésidents de transmettre la présente résolution au Conseil ACP-UE, à la Commission européenne, aux gouvernements de la R.D.C. et des autres pays de la région des Grands lacs, au Secrétaire général des Nations unies et à la Commission de l’Union africaine.

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