vendredi 30 novembre 2007

VIOL DES FEMMES EN RD CONGO: QUID APRES LA MARCHE DE BRUXELLES?

Elles l’ont décidé, elles l’ont fait. Renforcées par une poignée d’hommes et des femmes d’autres nationalités, près d’une centaine de femmes congolaises de Belgique ont marché le lundi 26 novembre 2007 du square Frère Orban au rond-point Schuman.


Le but ? Soutenir un groupe de femmes au Congo qui ont déclenché une grève de la faim suite aux viols répétés dont les femmes congolaises sont victimes : et de la part des éternels rebelles pro-rwandais ou rwandais en terre congolaise, et de la part de nos propres militaires souvent impayés ou touchant une solde de misère.

Après une heure de marche suivant la trajectoire convenue avec la police, les manifestantes ont fait un sit-in devant la commission européenne, assez loin des fenêtres des décideurs européens, la meilleure place ayant été occupée par d’autres manifestants qui s’en prenaient aux ministres européens de l’agriculture, en réunion à l’intérieur.

Et là, les Congolaises donneront libre cours à leur colère face à ce que subissent quotidiennement d’autres femmes au pays, de la part des hommes en arme. Au-delà de cet élan de solidarité fort louable, le temps n’est-t-il pas venu d’aborder les problèmes du Congo dans toute sa globalité ?
Des marches à Bruxelles, il y en a eu. Quel en a été l’impact, le résultat ? Il y a peu, 35.000 belges étaient dans la rue pour l’unité du royaume. Trois cent cinquante fois plus nombreux ! Cela a-t-il réussi à pousser les politiciens belges à accélérer la mise sur pied d’un gouvernement ? Dans ces conditions, comment cent bonnes femmes dans les rues de Bruxelles vont-elles influer sur le comportement des hommes du général déchu Kundabatware ou des bidasses en guenilles du duo Kabila-Gizenga ?



C’est bien de pleurer, de se lamenter sur notre sort. Y aura-t-il un jour changement si les vrais coupables ne sont pas inquiétés ? Qui sont les vrais responsables de toute cette catastrophe humaine ? Sont-ils inconnus des pouvoirs belges ? Sont-ils inconnus de l’Union européenne ou de l’ONU ?


Il y a peu, l’ambassadeur belge au Congo disait exactement ceci, à propos du pouvoir congolais : un pouvoir caractérisée par « des situations de corruption, de mégestion, de mauvaise gouvernance, d’improvisation, de manque d’assiduité, de manque de vision, de manque de communication » N’est-ce pas là le germe de l’insécurité et partant, de tous ces viols dont sont victimes les congolaises , surtout à l’est du pays ?


En marge de la journée mondiale de la lutte contre les violences à l’encontre des femmes, la sénatrice belge du PS, Anne-Maire Lizin essaie d’être plus explicite dans une lettre envoyée à Luis Amado ministre portugais des affaires étrangères. Elle avance même une proposition : « La création d’une commission d’enquête sur les violations des femmes dans l’Est du Congo, comme ce fut le cas de la commission Warbuton pour l’ex-Yougoslavie en 1993 » Le Portugal assure actuellement la présidence de l’Union européenne.


Présent à la marche, le MR Daniel Ducarme l’a bien stigmatisé dans son mot aux femmes : L’impunité doit cesser. Qui sont ces impunis, n’est-ce pas ceux qui ont été soutenus à bout de bras dans le processus électoral congolais tant décrié ? L’homme d’Etat belge saura-t-il convaincre les autres membres de son parti qui ont été impliqués jusqu’au cou, et depuis très longtemps, dans la marche politique cahotante du Congo d’aujourd’hui ?


La Belgique officielle aura-t-elle le courage et de reconnaître son erreur dans sa politique vis-à-vis du Congo, et de revoir ses alliances, en prenant langue avec les véritables forces progressistes du Congo ?


Ce fébrile soubresaut politique augure-t-il une ère durant laquelle les pesanteurs extérieures cesseront enfin d’empêcher les congolais de s’occuper de leur pays ? Ils en ont les capacités.
Avec l’arrivée des chinois au Congo, les milieux politico-économiques belges se sont-ils rendus compte qu’on leur a enlevé le bifteck de la bouche, pour peut-être très longtemps ?
Les forces politiques progressistes congolaises ont-elles à leur tour perçu les différents changements de la donne politique congolaise ? Mettent-elles déjà en place des stratégies pour donner l’estocade à un pouvoir désormais incapable de décoller, d’assurer un semblant de sécurité et encore moins de procurer le minimum vital aux soixante millions de congolais ? Ces forces éviteront-elles enfin les sempiternelles querelles de clocher ou de positionnement personnel, de diabolisation au rabais avec comme conséquence la division et l’émiettement du contrepouvoir ? Sauront-elles enfin différencier l’essentiel de l’accessoire ? Pourront-elles devenir plus pragmatiques en privilégiant l’unité et l’intérêt du plus grand nombre ? Si depuis l’indépendance le Congo est médiocrement dirigé, ceux qui prétendent combattre la médiocrité le font-ils de moins médiocre façon ?



Ce cri de détresse des femmes congolaises ne devrait-il pas servir de déclic pour une approche profonde et sans complaisance de la tragédie humaine congolaise. Les forces politiques progressistes ont le beau rôle. À elle d’ouvrir les yeux. Faute de quoi, il n’est pas nécessaire de demander aux gens d’user le talon de leurs chaussures.


En politique, la cécité se paie cache. Wait and see.


Cheik FITA


Bruxelles, le 29 novembre 2007

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